Titre : Gabrielle Vincent
Auteur.ice : Fanny Husson-Ollagnier
Edition : Flammarion
Date de parution : 12 mars 2025
Genre du livre : Biographie
Gabrielle Vincent est un livre d’hommage à la maman d’Ernest et Célestine écrit par Fanny Husson-Ollagnier. Celle-ci revient sur la vie artistique de Monique Martin, de son vrai nom, qui vécut toute sa vie à Bruxelles. Si elle est remarquée à la sortie des Beaux-Arts par un premier prix avec la plus haute distinction, c’est dans le domaine moins réputé de l’illustration qu’elle deviendra connue mondialement, dès le début des années 1980 et le premier album de la série narrant les aventures du grand ours et de la petite souris.
C’est un bel ouvrage qui lui est ici consacré par Flammarion, dans une collection dirigée par Quentin Blake, dessinateur de Road Dahl. Fanny Husson-Ollagnier privilégie la carte de la biographie artistique, ce qui évite le côté hagiographique. La petite Monique Martin dessine dès son plus jeunes âge, et ses maisons dessinées qu’elle offre à sa mère démontrent un talent incontestable. C’est son parcours de dessinatrice qui est tracé ici davantage encore que sa vie amicale, familiale ou amoureuse. Ce sont des images de cette capacité qu’elle avait à chercher l’émotion dans les petites choses de la vie qui sont exposées.
Pour autant, on apprend qu’elle grandira au sein d’une famille où la musique était reine, sans pour autant que sa mère ne cherche à réfréner son amour du dessin. L’éducation était stricte et sévère, et c’est peut-être contre cela que Monique Martin cherchera à s’élever, elle qui décide de quitter ses compagnons (de route) dès qu’elle sent que son activité artistique en pâtirait. L’art avant l’amour (ou le sexe). Elle a de nombreuses amies, des neveux et des nièces, les enfants sont plus que les bienvenus chez elle où elle les accueille comme des rois. Si elle a eu des amoureux et des amants, ses enfants à elle seront ours et souris.
Elle qui décide de de ne pas faire d’enfants, ce qui est souvent reproché aux femmes, était vue comme une personnalité indépendante, perfectionniste, parfois colérique, délurée aussi, qui aimait s’amuser et qui pouvait se figer dans le réel pour capter un moment qu’elle devait saisir au bond pour retranscrire en dessin, sur le champ. C’était une femme qui avait trouvé son moyen d’expression, très vite, et qui y a consacré sa vie, en gagnant de l’argent grâce aux cartes postales et aux dessins réalisés pour d’autres, plutôt que de jouer le jeu des galeries d’art bruxelloises. Elle aimait beaucoup voyager, dans le sud de l’Europe ou le nord de l’Afrique, ce qui l’inspira aussi dans certains albums.
Dans les années 1980, elle décide de créer Ernest et Célestine, qu’elle espère être un succès, pour pouvoir s’octroyer du temps et se délivrer des commandes toutes faites. Plus qu’un succès, ce sera un triomphe qui, paradoxalement, lui fera mettre en case vingt-six histoires du duo peu commun, grand ours papa poule solo, devant s’occuper d’une petite souris dans une maison de bric et de broc, semblable à celle dans laquelle vivait l’autrice, dans le Châtelain, elle qui était la reine du recyclage et avait une haute conscience de la société de consommation dans laquelle elle vivait. Sans militantisme, elle diffusait son amour pour les moments simples et les objets aux plusieurs vies. Les deux compagnons seraient inspirés de la relation entre l’autrice et son mentor Joseph de Smedt.
L’ouvrage Gabrielle Vincent se clôt avec une pincée au cœur sur une image de Célestine à une fenêtre, des lettres en main, qui semble attendre sa maman de cœur pour qu’elle vienne encore lui inventer d’autres vies. Dans ce dessin si simple et bien cadré, l’émotion est énorme, émotion que Monique Martin, alias Gabrielle Vincent, aura su cultiver tout au long de sa vie et de sa carrière, à travers ses deux personnages et bien d’autres encore, comme on l’apprend dans le livre.