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    Qu’il fait beau cela vous suffit, discours sur le discours

    Qu’il est bon de ne pas se sentir seul. Et face à la morosité ambiante de ce qui ressemble foutrement à une ère préfasciste, face à l’omniprésence de discours clivants opposant toujours les pauvres d’une communauté face aux pauvres d’une autre, face à des raccourcis qu’on ne trouve même pas sur Mario Kart, face à la vacuité du langage politicien et à ses solutions court-termistes qui oublient que se pisser dessus ne tient chaud que deux minutes, qu’il est bon de savoir rire sans être grotesque et de savoir discourir sans être paternaliste, qu’il est réconfortant l’espoir qui n’est pas démago, qu’elle est stimulante la solidarité quand elle n’est pas feinte. C’est sûrement ce sentiment qui prédomine au moment où s’éteignent les lumières sur la dernière scène de Qu’il fait beau cela vous suffit.

    La pièce s’ouvre sur un fait divers, celle d’un prof à bout de rouleau qui a pris sa classe en otage. Comme dans La haine, l’élément déclencheur n’est pas dans la narration, il la précède, et c’est par un flash info qu’on nous met dans le contexte, qu’on nous explique d’où vient la crise. Et ainsi l’histoire commence, sans s’attarder sur le pourquoi du comment du fait divers, sans en chercher les conséquences directes, parce que le problème est beaucoup plus global. La pièce débute dans la cacophonie d’une solution trouvée à la va-vite, envoyé des observateurs officiels en lieu et place du personnel séculaire des établissements. Violette arrive donc en REP, réseau d’éducation prioritaire, sans aucune expérience en dehors de la bourgeoisie élitiste qu’elle incarne. Très vite bousculée dans ses certitudes et son rigorisme, la nouvelle CPE se confronte aux véritables enjeux d’une école publique sous-financée et à ses quartiers délaissés. Petit à petit, la narration se cristallise autour d’Aleksander, gamin, insolent, turbulent, impulsif, violent, mais surtout abandonné de toute part. Et de ce sale gosse découle tous les maux de l’institution scolaire : classes trop grandes, matériel défectueux, manque d’effectif, infrastructure vétuste.

    Qu’il fait beau cela vous suffit fait le choix de ne parler que d’école. Peu d’interactions entre ados, finalement peu de vie privée, l’accent est mis sur la vie scolaire, ce qui permet d’être plus précis dans le discours, de ne pas se perdre, de pointer la facilité avec lequel on pourrait traiter ces maux. Cette notion-là, c’est l’autre tour de force de la pièce, elle n’est pas qu’un témoignage, elle est une satire de la mascarade politique qui entoure le sujet depuis des lustres. Violette doit rendre des rapports à la commission parlementaire qui l’a envoyé en REP. Ces quelques séquences aussi agaçantes que vraisemblables montrent à quel point l’enjeu n’est pas tant d’améliorer les choses que de contenter un moment une plèbe en colère tout en essayant de ramener la couverture à soi. Violette a beau tenter de parler, elle n’est pas écoutée, tout cela n’est qu’une parade qui entre dans un agenda. Tout cela n’est qu’une manœuvre où brillera celui ou celle qui tirera son épingle du jeu. Ainsi se créent les nouvelles dynamiques politiques, les nouveaux leaders, alors qu’autour tout est resté similaire. Comme on peut le lire dans Le Guépard : « si nous voulons que tout reste tel que c’est, il faut que tout change ».

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    Ecriture et mise en scène de Mélanie Charvy & Millie DuyéAvec Aurore Bourgois Demachy, Thomas Bouyou, Emilie Crubézy, Paul Delbreil, Virginie Ruth Joseph, Clémentine Lamothe, Loris Reynaert et Etienne Toqué (et la présence de jeunes comédiens amateurs)Du 17 mars au 21 mars 2025Au Théâtre de Poche Qu’il est bon de ne pas se sentir seul. Et face...Qu’il fait beau cela vous suffit, discours sur le discours