Titre : Fayne
Auteur.ice : Ann-Marie MacDonald
Edition : Flammarion
Date de parution : 05 février 2025
Genre du livre : Roman
Quatrième roman de l’autrice et dramaturge canadienne Ann-Marie MacDonald, Fayne est un récit situé à l’époque victorienne, mais aux préoccupations très modernes.
À la fin du XIXème siècle, la jeune Charlotte Bell vit dans le domaine de Fayne, en compagnie de son père, Lord Henry Bell, et des domestiques du lieu. Tenue éloignée de la société à cause d’une mystérieuse Condition, Charlotte profite d’une éducation libre dans ce bout de lande reculé, à cheval entre l’Angleterre et l’Écosse. Son enfance heureuse est cependant troublée par l’ombre de son frère aîné décédé alors qu’il n’était encore qu’un enfant et de sa mère morte en couche.
Dotée d’une intelligence vive et d’une mémoire exceptionnelle, avide de connaissances, Charlotte peine à contenir son enthousiasme lorsque qu’un précepteur est engagé comme cadeau pour son douzième anniversaire. Après des semaines de riche apprentissage, celui-ci quitte le domaine sans crier gare et, du jour au lendemain, on impose à Charlotte des tenues et des manières de lady. Bon gré mal gré, elle finit par s’accommoder de ces changements. D’autant plus que, sa Condition résolue, un départ s’organise vers Edimbourg où elle espère intégrer l’Ecole de médecine. Mais plutôt que de combler ses espoirs, ce voyage va bouleverser sa vie à mesure que des secrets de famille remontent à la surface.
Avec un résumé pareil Fayne promet du secret, de l’aventure, du charme historique et, avec près de 800 pages, de nombreuses heures de lecture. Et la promesse est tenue.
En réalité Fayne est (presque) autant l’histoire de Charlotte que celle de sa mère, les deux fils narratifs se mêlant au sein de certains chapitres ou se succédant un chapitre après l’autre. Cela a pour conséquence de revivre occasionnellement le même événement sous un angle différent. Au sein de cette narration croisée, les types de narrations, les points de vue et les temporalités s’alternent. Si cela est harmonieux, cela demande parfois au lecteur de faire l’effort de se replonger dans le monde d’une ou de l’autre protagoniste.
Fayne est un roman de très bonne facture. L’histoire est complexe, érudite et instructive. Sans en avoir l’air, l’autrice aborde de nombreux thèmes : la nature, l’amitié, l’amour, la quête identitaire, mais aussi des perspectives historiques sur les différences culturelles entre l’Amérique et l’Anglerre, les sciences, la médecine, la noblesse désargentée, la justice sociale et la culture folklorique celtique. Le roman est donc riche, sans être fouillis, tout comme il est palpitant sans se précipiter. Les rebondissements et dénouements ne sont pas lancés à la tête du lecteur de façon inattendue. Au contraire, ce dernier est le plus souvent au fait de secrets que les personnages ont encore à découvrir, sans être pour autant privé de quelques retournements.
Bien écrit et bien traduit, le roman se lit de façon très fluide. Il associe le charme ancien d’une ambiance « à la Brontë », surtout quand il est question du domaine de Fayne, tout en étant très moderne, avec une écriture vive, des pointes d’ironie ou d’humour et un contenu qui parlera aux lecteurs et lectrices de 2025.
Ces grandes qualités ne sauraient toutefois occulter certains défauts. En premier lieu, un récit trop ficelé : tous les personnages sont liés à ou autour de Charlotte. Cela manque de contingence, voire de complet hasard. Ensuite, le livre flirte dangereusement avec le manichéisme, certains personnages devenant un peu caricaturaux. Ce manque de subtilité transparaît aussi dans un ou deux rebondissements qui, bien qu’ayant été préparés dans l’histoire, apparaissent un peu faciles pour résoudre la situation. Enfin, le critère quitte ou double selon les lecteurs : la longueur du livre. Les satisfaits diront que « plus » d’un bon livre, c’est plus de bonheur ; les autres souligneront que la suppression de certains passages rendraient la lecture plus agréable sans détériorer l’histoire. Même en se rangeant du côté positif, et aussi « accroché » que l’on soit par la lecture, il est indéniable que ce livre est long.
Parfait, Fayne ne l’est donc pas, mais cela n’en fait pas moins un excellent roman captivant et intelligent que l’on imagine sans peine transposé au cinéma.