Rule of the Heart
Réalisatrice : Roze Stiebra
Genre : Animation
Nationalité : Lettonie
Présenté dans le cadre du Festival Anima 2025
Récompensé dans son pays d’origine, Rule of the Heart est présenté en compétition officielle dans la catégorie long-métrage du festival Anima. Un film esthétique et poétique qu’il est encore possible de voir le mercredi 5 mars.
La princesse est bien éduquée. Elle connaît le nom des fleurs, quand elles bourgeonnent et quand elles meurent. Bientôt, elle deviendra reine d’un village, en apparence convivial, avec ses enfants montés sur patins à roulettes et ses tigres facétieux traversant des cerceaux en feu au son de l’accordéon. Son futur royaume baigne dans un océan de couleur comme une peinture de Matisse. Mais pour prétendre à la couronne, il lui manque une chose. Le prince qui va avec. Magnus. C’est lui qui a été choisi pour conduire la princesse au pouvoir même si ce gringalet distrait n’en a pas, au demeurant, l’étoffe. Il serait temps pour lui de passer dans la cour des grands, et de jeter littéralement à l’eau son armée de soldats de plomb. En fait, tout le château s’affaire à rendre le futur gendre un peu plus viril, son entraînement consistant principalement en de rentables parties de chasse.
La transformation de Magnus coïncide avec un étrange événement. En rêve, la princesse tombe sur un drôle de sire – sorte d’arlequin larmoyant et vaporeux – qui lui suggère les bienfaits d’avoir un cœur. Un cœur est à double tranchant. Avec un cœur, la joie côtoie la tristesse. L’amour, la haine. Mais le cœur permet de parler aux plantes et de faire danser les animaux. Et même si la princesse est vite convaincue, il y a un hic. Dans ce village pas si harmonieux finalement, le cœur est une maladie difficilement opérable et potentiellement héréditaire. Les animaux, dans leur état primaire, en possèdent un. Mais il est interdit aux humains. Sans parler des bêtes qu’ils ont apprivoisées au point d’en faire leurs semblables. D’ailleurs entre eux, quelle est la différence ? Dans Rule of the Heart, des loups affublés de tambourins composent la garde du roi. Le conseiller principal de la princesse est un poulet en gabardine, la voix nasillarde et les mains gantées. Toutes les créatures de Dieu se confondent sans distinction.
Même si ce n’est pas tout à fait un critère de sélection pour les films en compétition, il semblerait que Rule of the Heart résonne particulièrement avec la thématique de l’édition 2025 du festival Anima. Ce moyen-métrage letton – avec son inclinaison à la métaphore et à la poésie – convoque l’univers du rêve qui est mis à l’honneur cette année. Pour son film d’animation, Roze Stiebra s’est inspirée du conte de Jāņis Ezeriņš. Mais pour nous spectateur francophone, c’est à d’autres références qu’il fait écho. La princesse, loin de la figure dominante dans les dessins animés, reste concernée par les mêmes enjeux. La lutte un peu manichéenne qui oppose le pouvoir à l’amour, la raison au cœur, est au centre de ses préoccupations.
Pour autant, la princesse ne nous rappelle pas uniquement cette figure incontournable du conte. Sa robe bleue. Ses petits souliers. La présence de ce chat nonchalamment perché sur une branche et qui la gratifie de conseils avisés, mais lacunaires. Impossible de ne pas y voir un clin d’œil à Alice. Rule of the Heart réalisé comme un conte métaphorique et moderne – s’exprimant indirectement sur des sujets comme l’empathie, le pouvoir ou encore le rapport aux animaux – peut paraître opaque pour certains spectateurs. Mais son univers graphique, à la fois pétillant et délicat, devrait mettre tout le monde d’accord. C’est bien simple, Rule of the Heart imprègne le festival des couleurs de l’été.