Titre : La petite fille
Auteur.ice : Bernard Schlink
Edition : Folio
Date de parution : 3 octobre 2024
Genre du livre : Roman
Kaspar et Birgit se rencontrent à Berlin pendant les années 60, en pleine Guerre Froide. Lui, étudiant de l’Ouest, elle, confinée à l’Est. Le jeune homme, fou amoureux, planifie la fuite de Birgit et quelques mois plus tard, elle le rejoint de l’autre côté du Mur.
Kaspar est devenu libraire. A une septantaine d’années, il vit toujours avec Birgit, totalement instable, dépressive et alcoolique. La vie déjà terne du vieil homme s’effondre le soir où il retrouve le corps sans vie de Birgit qui a mis fin à ses jours. En mettant de l’ordre dans les papiers de sa femme, c’est le choc. Celle qui a partagé les 50 dernières années de sa vie lui a caché tout un pan de son passé en RDA. Enceinte d’un autre homme, elle a abandonné son nourrisson avant de rejoindre Kaspar en Allemagne de l’Ouest. Pendant toutes ces années, jamais elle n’a eu le courage de retrouver sa fille. Pour cicatriser l’absence de Birgit, Kaspar décide de partir à la recherche de cette fille.
Après une jeunesse tourmentée, Svenja, la fille de Birgit, a épousé un néonazi avec lequel elle a eu à son tour une fille, Sigrun. Kaspar constate qu’il n’y a aucun espoir de tisser quoi que ce soit avec Svenja, désormais adulte et aucunement intéressée par le passé de sa mère biologique qui l’a autrefois rejetée. Il fait cependant la connaissance de Sigrun, sa fille de 14 ans, avec laquelle il tente de nouer une relation. Malgré la gentillesse de la jeune fille, Kaspar se retrouve bien souvent confronté à son éducation étriquée et intolérante qui font de chaque discussion une sorte de guerre idéologique. Mais Kaspar persiste et tente d’ouvrir les horizons de Sigrun par la culture. Musique, littérature ou cinéma seront peut-être une porte de sortie pour l’adolescente…
Bernhard Schlink, que l’on connaît notamment pour son chef d’œuvre Le liseur, nous émeut tout autant avec La petite-fille. Roman remarquable sur la transmission, cette histoire poignante nous prend aux tripes en relatant la relation entre un homme sage en fin de parcours qui tente de réparer ce qui peut l’être et une jeune fille solitaire et avide de connaissance mais tiraillée par sa loyauté familiale.
L’auteur dresse également le portrait perturbant d’une Allemagne divisée au sortir de la Seconde Guerre Mondiale, dont la population est prise en otage et les familles séparées. Il évoque également la période de réunification du pays, tout aussi complexe, qui voit une génération perdue de jeunes gens de l’Est désœuvrés, à qui l’on demande d’effacer toute trace d’identité (communiste).
Dans une Europe – et une Allemagne – de plus en plus à droite, Bernhard Schlink fait un constat : dans une patrie où certains n’ont jamais réussi à couper les racines du nazisme ou du repli sur soi et d’autres qui portent le poids de la culpabilité de l’Holocauste, la nation allemande reste divisée, ce ne sont pas les récentes élections qui le contrediront. En ces temps où l’actualité reste inquiétante, le travail d’auteurs tels que Bernhard Schlink et les œuvres d’artistes engagés parviendront-ils à apporter de la lumière et à ouvrir des débats constructifs ? C’est à espérer…