Toutes pour une
Réalisatrice : Houda Benyamina
Genre : Aventure
Acteurs et actrices : Oulaya Amamra, Sabrina Ouazani, Déborah
Nationalité : France
Date de sortie : 29 janvier 2025
Le monde du cinéma se divise en deux catégories de films, non pas ceux qui ont un pistolet chargé et ceux qui creusent, ça ne voudrait rien dire, mais d’un côté les high concepts et de l’autre, les low concepts. Un high concept, c’est un objet audiovisuel (série, long-métrage, etc.) dont le pitch peut se résumer en une phrase commençant par « et si », l’exemple le plus connu étant « et si on réussissait à cloner des dinosaures ? ». Dans un premier temps, on peut voir cet aspect d’un bon œil, car résumer l’essence du film dans une phrase si courte, c’est l’assurance de le vendre plus facilement. On éveille la curiosité des productions et des spectateurs en une fraction de seconde et tout le monde cerne l’intérêt du film sans avoir à se taper un million de documents pour comprendre à quel point le long-métrage sera génial. Le pendant négatif de la chose, c’est que le point de départ du film, c’est justement cette idée qui peut se résumer en une phrase. Or, une idée n’est pas un film. Et souvent, derrière ses aspects très vendeurs, il n’y a pas la moindre trace de message. La difficulté d’un high concept c’est donc de créer du discours, de créer une narration intéressante qui viendra soutenir l’idée originelle. Ainsi, la plupart des films catastrophes américains calquent des histoires éculées sur des schémas novateurs, laissant un sentiment de mitigé, voire de grotesque « et si les États-Unis subissaient une tempête de requin ? », « et si on envoyait des astronautes novices détruire un astéroïde qui menace l’intégrité de la Terre ? ». En France, que ce soit pour les drames ou les comédies, on utilise principalement le principe du fish-out-of-the-water, c’est-à-dire du déplacement du protagoniste dans un univers qui lui est totalement étranger « et si un habitant du Sud était muté de force dans le Nord–Pas-de-Calais ? », « et si un professeur vieille école aux préjugés racistes était contraint de former une jeune magrébine de quartier populaire à un prestigieux concours d’éloquence ? ». Derrière ces concepts forts, toujours le même message consensuel, il faut de tout pour faire un monde, ensemble on est plus fort, on doit savoir s’accepter et accepter les autres, bla, bla, bla.
Tout ça pour dire quoi ? Pour acter qu’avoir des idées ce n’est pas développer un discours et que créer un univers riche ne passe par forcément par un pitch original. On en vient ainsi à Toutes pour une qui tombe tragiquement dans les travers du high concept. Avec une prémisse qui ne se résume qu’à « et si les mousquetaires et d’Artagnan avaient en réalité été des femmes ? » et un message très basique qui est, comme on peut s’en douter en lisant ce synopsis, que les femmes sont les égales des hommes, on en ressort avec un grand « tout ça pour ça ? ». Attention, je ne dis pas ici que ce message n’est pas nécessaire, il y a autour de nous un sexisme systémique et un manque de représentations féminines au cinéma et de reconnaissance des aptitudes physiques des femmes. Il est important que des femmes réalisent, il est important de montrer des héroïnes compétentes, fortes, sportives et qui savent se battre. Seulement, Toutes pour une se complaît pendant plus de la moitié, voire les deux tiers de sa narration à simplement mettre en scène des meufs qui se travestissent, font des trucs de mecs et défoncent des gars. Exutoire, peut-être, mais fondamentalement pas très intéressant.
En réalité, il faut attendre la rencontre (tardive) avec la reine fugueuse pour voir un véritable propos se construire, celui sur les apparences, sur les obligations liées à une condition ou une fonction. En s’habillant en hommes, les Mousquetaires échappent à leurs conditions de femmes. En fuyant, Anne d’Autriche échappe à sa condition de reine. En pleurant devant sa maîtresse, le comte échappe à sa condition d’homme. Les hésitations, l’orgueil, les désirs, tout se mêle dans un dernier acte qui, en développant une vraie narration, en faisant véritablement évoluer ses protagonistes, dépasse son (high) concept et étoffe à la fois ses personnages et son discours, les premiers portant le second, ces dynamiques vont souvent de pair. Malheureusement, ce n’est sans doute pas ce que l’on retiendra de Toutes pour une, qui, se contentant trop longtemps d’un humour potache et d’une écriture paresseuse donne à son immense première partie de film, un aspect tristement risible.