Titre : Marcie, le point de bascule T1
Auteur.ice : Cati Baur
Edition : Dargaud
Date de parution : 10 janvier 2025
Genre du livre : Roman graphique
Après s’être fait connaître avec la série « quatre sœurs » et « Vent Mauvais », celle qui est encore une jeune recrue du club des quinquagénaires détourne avec fierté un sujet qui lui tient à cœur ; l’invisibilisation des femmes d’âge moyen.
Marcie fait partie des meubles. Il le confirme. Lui, qui se planque derrière le titre accommodant de Chief happiness manager, empreinte nauséabonde d’un nouvel âge de l’entrepreneuriat fait de coworking, de green tech et de team building. Oui, elle fait partie des meubles. Mais ce jeunot, habillé casual, ne peut cacher à Marcie l’inquiétude de la direction concernant son bien-être au travail. Ils ont remarqué que Marcie n’est plus vraiment dans le mood. Ils vont être obligés de lui rendre sa liberté. Il ne faut pas le voir comme un licenciement, bien entendu. Parlons plutôt d’un affranchissement qui témoigne avant tout du fait que la boîte se sent concernée par le bonheur de ses employés – après tout, il en sait quelque chose, le Chief happiness manager.
C’est comme ça que Marcie, qui préfère qu’on l’appelle Caroline par souci de conformisme, découvre l’ingratitude des boulots alimentaires. Alpaguer les passants et les sommer de répondre à ses questionnaires est sa nouvelle vocation. Quels sont vos critères principaux pour choisir votre essuie-tout ? À quelle fréquence utiliser vous un déodorant ? Marcie n’est pas plus dans le mood, mais au moins, personne n’est là pour le lui reprocher.
Mais au plus Marcie accoste de gens, au plus elle semble disparaître. Marcie est en effet l’heureuse gardienne d’un pouvoir qu’elle partage avec toutes les péri-ménopausées de la planète, celui de se rendre invisible. Et si l’indifférence de la société envers ses quinquagénaires de sexe féminin – qui représentent quand même 13 % de la population française – devenait une force ? Marcie fait de sa discrétion son passe-droit pour une vie plus excitante. Elle va devenir détective et qui sait, son intuition la mènera peut-être sur la piste d’un tueur.
Ce n’est pas la narration naïve, parfois cousue de fil blanc, qui fait la force de Marcie. Ce n’est pas non plus la douceur de son trait qui, comme le prénom avec lequel l’héroïne préfère qu’on l’appelle, aspire à un certain conformisme. L’histoire, comme le dessin, est réconfortante. Le tout se savoure dans le confort, sans imprévus, mais aussi sans surprises. Non, le vrai tour de force de Cati Baur avec cet album, c’est la facilité avec laquelle, en détournant le genre du récit d’espionnage, elle s’approprie les codes de la culture qu’elle dénonce. Cette culture qui efface toutes traces des femmes de plus de 45 ans dans l’espace public mais qui continue à valoriser les hommes quel que soit leur âge.
Et à ce sujet, la bande dessinée n’est pas non plus en reste. Pendant très longtemps le neuvième art était l’apanage du garçon qui identifiait son moi futur à des héros masculins. Et même si la bande dessinée s’est depuis ouverte, c’est toujours majoritairement, comme dans les autres médias, jeunes que les femmes sont représentées. Bref, Catie Baur fait la part belle à toutes celles qu’on oublie trop souvent. « Toutes celles qui chevauchent avec panache ou en serrant les dents, le dragon de la périménopause ».