More

    Formica, un pari réussi

    Le souci d’adapter une œuvre littéraire, c’est souvent l’œuvre littéraire en tant que telle. Évidemment, il y a son fond, mais s’il y a désir d’adaptation c’est que le fond a plu, sinon pourquoi vouloir l’adapter ? Mais au-delà, la forme de l’œuvre compte énormément. Typiquement, la trilogie Vernon Subutex, utilisant généreusement les flux de pensées ou donnant à son personnage éponyme la capacité de créer des émotions indicibles et invisibles grâce à la musique, semble assez difficile à adapter convenablement dans un medium audiovisuel. La série Canal+ n’a d’ailleurs pas fait beaucoup d’émules. La forme de l’œuvre c’est aussi, et peut-être même surtout, sa taille. Peut-être qu’adapter les 1 200 à 1 500 pages du Seigneur des anneaux en un film d’à peine plus de deux heures était un peu ambitieux. On peut aussi questionner l’idée d’en avoir fait un dessin animé, mais ça, c’est un autre sujet. Peut-être même qu’une adaptation sérielle aurait été plus pertinente que la trilogie de Peter Jackson, dont les films durent en moyenne (dans leur version longue, donc intégrale) quatre heures, format peu habituel pour du cinéma. Une fois qu’on a parlé de tout ça, on peut alors s’étonner de voir une adaptation théâtrale de Formica de Fabcaro. 

    D’une part, comme on vient de le dire, pour sa taille. Au départ, Formica c’est une BD d’à peine une cinquantaine de planches dont la lecture ne dure pas plus d’une demi-heure. D’autre part, pour son genre : l’absurde. Formica, c’est l’histoire d’une famille réunie pour un repas dominical et qui passe l’entièreté de la bande dessinée à chercher un sujet de discussion. Absence de narration, critiques des conventions sociales et, plus généralement, un questionnement sur l’existence et le sens des choses, Formica s’inscrit clairement de ce genre littéraire. Alors oui, l’absurde a une grande tradition en théâtre, mais par sa déconstruction narrative, il n’est pas le genre le plus accessible, ni le plus à même de durer dans la longueur. Il est d’ailleurs intéressant de remarquer que les bandes dessinées de Fabcaro, marquées par le caractère absurde, sont assez courtes (moins de 100 planches), là où ses œuvres plus importantes, ses romans par exemple, suivent des narrations beaucoup plus classiques. On pourrait presque en penser que Fabcaro compense la difficulté à suivre une œuvre absurde par un volume assez court. 

    Ainsi, on peut voir une certaine prise de risque à adapter au théâtre une œuvre aussi brève dont le rallongement pourrait jurer avec le but de départ : faire piétiner la narration au point qu’il n’y en ait quasiment pas. Mais il n’en est rien ! Car si sur scène, la discussion végète, elle n’ennuie jamais et la durée trouvée est un bon équilibre entre la volonté de garder le ton d’une BD courte et percutante et le désir de monter une pièce au format classique qu’il est facile de distribuer. Ainsi, Formica, c’est assez bref pour ne jamais tomber dans l’ennui, mais assez long pour offrir une expérience théâtrale absolument satisfaisante. 

    Derniers Articles

    De FabcaroMise en scène par Nathalie UffnerAvec Catherine Decrolier, Emmanuel Dell’Erba, Ingrid Heiderscheidt, Timothée Journot, Emma Seine et Antoine GuillaumDu 23 janvier au 22 février 2025Au Théâtre de la Toison d'Or (TTO) Le souci d’adapter une œuvre littéraire, c’est souvent l’œuvre littéraire en tant que telle. Évidemment,...Formica, un pari réussi