À l’occasion de son prochain concert au KulturA à Liège, le 10 Janvier 2025. Satchel Hart, le multi-instrumentiste Belgo-Américain, se confie au Suricate sans détour sur ses ambitions futures, son amour pour le rock, et les difficultés à cultiver sa présence en ligne en tant qu’artiste émergeant. Il se livre également sur son approche créative, où l’improvisation et l’intuition jouent un rôle central.
Avec son EP How to Succeed in Business and Die Away, sorti en Septembre 2024 Satchel Hart s’inscrit sur la scène de l’indie rock belge. Son EP nuancé et méticuleusement travaillé dans sa chambre bruxelloise, donne à entendre un projet où chaque chanson dénote son désir de se renouveler. Avec des titres comme Caved In ou I Cry But I Don’t Know Why, Satchel Hart n’hésite pas à se livrer à cœur ouvert.
Le Belgo-Américain de 25 ans tente également de s’éloigner de l’image 100% pop qu’il a donnée dans son premier album, Things will never be the same. De cette tentative découle des morceaux comme No Matter What, où une mélodie pop se mêle à l’énergie du rock alternatif, signature distinctive de l’artiste bruxellois.
Issu d’une famille d’artistes, Satchel a grandi dans un univers où la musique était omniprésente. Très vite, elle devient pour lui un exutoire naturel, un moyen de traduire ses émotions.
Tu as commencé tout jeune au piano, mais aujourd’hui tu joues plusieurs instruments. Quand tu composes, quel est ton point de départ ?
En général, je joue soit du clavier, comme un piano ou un synthé, soit de la guitare, acoustique ou électrique. Quand je chante, c’est souvent improvisé, et parfois j’invente même des mots inexistants. Après, j’essaie de trouver les bons mots pour structurer tout ça. J’enregistre toujours mes idées, soit avec mon téléphone, soit directement dans mon studio.
Pour mes prochains morceaux, j’aimerais essayer de commencer par la basse, histoire de changer ma manière de créer et de voir ce que ça peut inspirer comme nouvelles idées. Pour mon EP, j’ai tout enregistré et mixé moi-même chez moi. J’ai joué tous les instruments, ce qui était une expérience à la fois intense et enrichissante.
Tu as produit et mixé ton EP How to Succeed in Business and Die Away seul, chez toi. Quel morceau a été le plus excitant à créer ?
Chaque morceau a son charme, mais aussi ses défis. Au final, l’un des morceaux que j’ai le plus travaillé et dont je suis vraiment fier aujourd’hui, c’est Caved in. Ce morceau a été retravaillé encore et encore, et je suis passé par tellement d’étapes pour arriver à ce résultat. Il a aussi été enregistré avec une vraie batterie, ce qui m’a permis d’expérimenter plein de choses.
En réalité, Caved In, j’ai le sentiment que je me suis totalement lâché sur ce morceau, bien plus que sur les autres. C’était le premier que j’ai composé pour cet EP, et il représentait pour moi une sorte de déclaration. Je voulais montrer que j’étais capable de faire quelque chose d’original, d’unique, sans que les gens puissent dire que j’étais influencé par un autre artiste. C’était essentiel pour moi d’affirmer mon identité musicale. J’avais déjà essayé de le faire sur mon premier album, mais c’est extrêmement difficile quand on débute. Caved in incarne vraiment cette quête de singularité et d’expression personnelle.
« Je vais faire du rock, quitte à ce que ça ne corresponde plus à ce que les gens écoutent »
Tu dirais que tu t’es retrouvé avec Caved In ?
Oui, j’ai trouvé mon son. Quand tu écoutes les premiers albums de nombreux artistes connus, comme David Bowie par exemple, c’est frappant. Son premier album, c’est clairement inspiré de Bob Dylan, à tel point que ça ne ressemble pas encore à David Bowie. On dirait plutôt du Bob Dylan à la sauce anglaise. Pareil pour Supertramp : si tu écoutes leur tout premier album, Supertramp (qui n’est pas sur les plateformes mais qu’on trouve encore sur YouTube), ça ne ressemble pas du tout au Supertramp qu’on connaît.
En fait, un premier album, c’est toujours une sorte de test. On est influencé par tous les artistes qu’on admire, et c’est seulement après qu’on apprend à s’en détacher et à trouver sa propre voix. Pour moi, Caved In c’était une manière de dire : « Regardez, c’est moi, c’est mon univers. » Ce morceau est aussi très mélancolique, même triste, mais d’une tristesse qui m’a semblé belle et nécessaire à exprimer.
En écoutant ton EP, j’ai senti une évolution vers quelque chose de plus alternatif, un peu plus rock qui s’éloigne de ton 1ᵉʳ album. Qu’est-ce qui t’a poussé dans cette direction ?
Le rock, c’est ce que j’écoute depuis toujours, ma base. Mon premier album est plus pop car je n’étais pas encore sûr de la direction à prendre. Même si c’est un super album, c’est parfois difficile de s’y retrouver après coup, un peu comme ce que disait Miles Davis sur ses anciens albums.
Pour l’EP, j’ai voulu revenir au rock, même si cela ne me semblait plus forcément à la mode. Je me suis dit : je vais faire du rock, quitte à ce que ça ne corresponde plus à ce que les gens écoutent. J’ai cherché à faire quelque chose qui me ressemble davantage, en retrouvant mes racines rock tout en gardant une touche cosmique et volatile. Je voulais une énergie brute pour les concerts, que le public ressente et bouge. Les morceaux pop de mon premier album fonctionnaient bien en live, mais je voulais plus de dynamisme, une énergie plus énervée que le rock permet mieux d’exprimer.
« Le problème, c’est que je ne veux pas que ma vie devienne un produit »
Tu dis souvent « quand j’étais petit, je rêvais de devenir une rock-star. » Aujourd’hui, que reste-t-il de ce rêve ?
Au départ, je voulais être une « rock-star » comme les mecs de Green Day ou les Strokes, simplement pour que ma musique soit aimée partout. Mais aujourd’hui, je vois les choses différemment. Je ne veux pas que ma vie devienne un produit.
J’aimerais garder un côté plus tranquille, plus intime. Bien sûr, j’aimerais que ma musique soit écoutée par plus de gens, mais je ne veux pas non plus être trop exposé. Ce que je veux, c’est pouvoir vivre de ma musique, voyager, faire des tournées, continuer à créer des albums sans être assiégé. Pouvoir aller au café du coin sans être dérangé, c’est ça, ma vision. En revanche, pour un artiste pop, la situation est différente. On a l’impression que la pop star doit constamment être sous le regard du public, alors qu’une rock star peut se permettre d’être plus décalée, de faire n’importe quoi, parce que ça fait partie du genre. Et ça, c’est ce que j’aimerais garder : l’aspect authentique et libre du rock, mais sans être trop connu.
Le titre de ton EP, How to Succeed in Business and Die Away, semble être un clin d’œil à ta vision de l’industrie musicale ?
Le titre m’est venu d’une image vue sur internet, et la pochette s’est naturellement imposée. C’est un mélange d’humour et de réflexion sur la vie, avec un clin d’œil à l’industrie musicale actuelle, où tout tourne autour de la visibilité sur les réseaux sociaux. Même si tu n’aimes pas ça, tu dois jouer le jeu pour avoir des likes, des abonnés, et exister dans l’industrie. Malheureusement, la musique passe parfois au second plan. Sans popularité en ligne, il devient difficile d’être programmé ou reconnu, peu importe la qualité de la musique. Pour moi, l’essentiel reste l’authenticité sans être dicté par les attentes du marché.
Pour la pochette, c’est assez drôle. J’avais envoyé le titre à une personne proche, et elle m’a dit : j’ai une photo de toi qui irait parfaitement avec ce titre. Quand j’ai vu la photo, c’était évident : mon visage, à la fois innocent et un peu désabusé, semblait dire « J’ai 4 ans, et j’en ai déjà marre de tout ça. »