Vingt Dieux
Réalisatrice : Louise Courvoisier
Genre : Drame
Acteurs et actrices : Clément Faveau, Maïwène Barthelemy, Luna Garret
Nationalité : France
Date de sortie : 11 décembre 2024
Totone et Claire sont frères et sœurs et vivent dans le Jura, en France. Quand leur père se tue, Totone, un grand adolescent qui aime boire avec ses amis, doit maintenant s’occuper de sa sœur et de la ferme. S’il commence d’abord par essayer de liquider les machines paternelles pour se faire de l’argent, une idée lui vient en tête : fabriquer le meilleur comté de la région et récolter 30 000 euros. Il se lance alors dans son projet, un peu naïf, en volant avec ses amis des produits laitiers de Marie-Lise, une jeune fermière avec qui il entame une relation charnelle.
Louise Courvoisier réalise un très beau premier film avec son Vingt Dieux. Le titre du film est éloquent et fait la part belle à une partie de France à l’accent pittoresque et aux courses de voitures défoncées. Non pas pour s’en moquer ou pour en devenir le porte-étendard, mais plutôt pour décrire une jeunesse et un monde éloigné de la capitale citadine, en l’approchant à petit pas, de manière feutrée.
L’univers agricole, c’est aussi sa masculinité musclée, athlétique et au travail, filmée amoureusement, la langue chantante et directe. On s’y bourre la gueule, on se tape dessus, on s’interdit de « descendre » lécher une fille.
La force du film, c’est néanmoins de dépasser très vite ce schéma rigide pour offrir une très belle partition à la féminité peut-être tout aussi musclée, athlétique et au travail. Vingt Dieux est ainsi avant tout vu par le regard témoin de Claire, 9 ans, qui sous ses airs de gamine en sait déjà beaucoup et ne piaille jamais, toujours aux côtés de son frère. Luna Garret apporte beaucoup de fraicheur, de subtilité et de baume au cœur, tout au long de cette aventure familiale de la survie. Marie-Lise ensuite, interprétée par Maïwène Barthèlemy, tout aussi jeune que Totone, sait ce qu’elle veut, travaille toute la journée et n’a pas de temps à perdre. Elle est franche et montre à ce garçon un peu maladroit ce qu’elle voudrait faire avec lui, ce qui le réjouira d’avoir une chose de moins à laquelle penser.
Vingt Dieux est aussi le premier film de Clément Faveau, le Totone en question, qui fonce tête baissée, sans trop réfléchir, parce que c’est comme cela qu’il avance. Version adulte du gamin interprété par Thomas Doret dans Le Gamin au vélo des frères Dardenne, l’acteur apporte sa gouaille, son corps d’homme en devenir, ses joues rouges et ses cheveux en bataille à ce rôle qui le transforme progressivement tout le long du film.
Louise Courvoisier filme ces héros et héroïnes du quotidien comme les cinéastes belges dans les rues de Seraing, de dos. Sauf que le rythme est plus soutenu, ici, et l’ambiance est au beau fixe : la lumière provenant des champs, des fenêtres et se projetant sur les cuves à fromage baigne « Vingt dieux » dans un bel écrin d’optimisme. À côté de ce beau casting qui remet au-devant de la scène le monde agricole comme d’autres films français de ces dernières années, le scénario est bien construit, efficace et sans temps mort dans le genre du film « social ». On sent le coup foireux arriver, mais on admire la pugnacité de Totone, la curiosité de Claire et la poigne de Marie-Lise, et on espère de tout cœur que ce fromage les fasse grandir. On mettrait bien la main à la pâte, si on pouvait traverser l’écran, pour les aider sur leurs chemins et dans leur vie quotidienne.