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    Sous le volcan pour refaire le collectif

    La danseuse et chorégraphe Leslie Mannès déverse son énergie, et celle de son équipe, pour restaurer le lien qui manque à l’équilibre du monde actuel.

    Des sons de clochettes, de cymbales, de tambours s’extirpent du silence de la salle toujours plongée dans le noir. Les musiciens, que l’on aperçoit par moment au travers d’un voile noir, déambulent sur la scène. Le rideau s’affaisse, encore retenu au gril en certains points, créant un paysage accidenté et sombre comme le vestige d’une éruption.

    Au centre du plateau, un étrange animal, dans une tenue extravagante au pelage orangé, se trémousse sur une musique au tempo affirmé. Puis la lumière révèle les quatre autres danseuses et danseurs cagoulés. Tous entament une procession sur un rythme carnavalesque qui prend des allures chamaniques, se battant la poitrine, adoptant un pas marial, levant les bras au ciel, avant de tomber au sol en même temps que le rideau suspendu.

    Des sons de pulsation, comme un battement de cœur, insufflent un semblant de vie aux corps prostrés qui tentent de petits mouvements erratiques. Chacun saisit une extrémité du rideau qui gît au sol et, ensemble, arpentent la scène dans une lente ronde sur un rythme toujours hypnotique. A force d’être traîné, le tissu finit par former un tas au centre du plateau.

    Tour à tour, les trois danseuses et deux danseurs se débarrassent de leurs habits et leurs masques de rituel qu’ils enfouissent dans l’amas textile. Après une série de mouvements statiques, ils reprennent leur déambulation circulaire, avec une gestuelle qui prend de plus en plus d’ampleur, qui a des allures tantôt d’incantations, tantôt d’implorations. Mais on les sent comme libérés de leurs oripeaux, de leurs rituels, des « cendres de leurs peurs ». Comme une renaissance, une ouverture à la vraie vie, hors des rôles assignés et de leurs contraintes.

    Tout a changé. Ils dégagent le plateau, le lessivent littéralement à coups de pièces de tissus frappées au sol dans une gestuelle qui évoquent le lourd labeur des lavandières. Et ils se regardent, se sourient, se touchent, s’épaulent, entrent dans une danse très douce qui devient joyeuse, brassent l’air comme pour se transmettre de bonnes ondes…

    Loin d’ambitionner de changer la face du monde actuel, secoué par le chaos politique, écologique et social, la danseuse, chorégraphe et metteuse en scène Leslie Mannès souhaite remettre en évidence l’importance du lien social et culturel. A l’opposé de l’individualisme et la compétition, elle prône la rencontre de l’autre, l’écoute et la confiance. Sous le volcan voit le retour au collectif, au vivre ensemble, à l’entraide, comme une forme de résilience, une façon d’affronter et de surmonter nos peurs et nos traumatismes.

    Questionnant les fonctions de pratiques collectives comme les rituels, Leslie Mannès poursuit un travail qui s’était déjà exprimé avec force en 2022/2023 avec Les rituels du désordre, une pièce surprenante où ce sont les spectateurs qui dansent, sous le regard ébahi des autres spectateurs et danseurs. Entre-temps, elle a orchestré Les Augures, la grande parade du carnaval de Charleroi.

    Dans Sous le volcan, on retrouve les caractéristiques remarquables de l’œuvre de Leslie Mannès : une prestation très physique, un spectacle à l’esthétique irréprochable, une occupation de l’espace harmonieuse mais aussi significative – « le cercle, forme fondamentale de tout rassemblement collectif », dit-elle – et la symbiose décapante du mouvement, de la lumière (Vincent Lemaître) et le décor sonore (Solène Moulin).

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