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    L’Empire n’a jamais pris fin, les luttes écarlates

    Titre : L’Empire n’a jamais pris fin. Tome 1 : De Jules César à Jeanne d’Arc
    Auteur : Pacôme Thiellement
    Éditions : Massot & Blast
    Date de parution : 10 octobre 2024
    Genre du livre : Essai

    Au commencement de cet essai, tiré d’une émission homonyme diffusée sur Blast TV, il y a une voix. La voix d’un Sans Roi, disciple du Christ, qui séjourna dans le crâne de l’écrivain Philip K. Dick. Cette voix lui révéla une clé herméneutique, capable d’ouvrir, une à une, les portes menant à la dimension spirituelle de l’Histoire : une dimension où l’illusion romaine, qui surdétermine notre relation à l’Histoire, serait enfin dévoilée. Cette révélation peut tenir en sept mots : l’Empire n’a jamais pris fin.

    L’Empire n’a jamais pris fin n’est pas un livre d’historien, mais d’exégète. Pacôme Thiellement y propose une lecture subjective de l’Histoire de France – une lecture hérétique, car elle remet en question les dogmes qui structurent le roman national français. Pacôme procède en dévoilant ce qui sous-tend ces dogmes : l’Empire. Par Empire, il faut entendre l’Empire romain, mais dans un sens idéel plus que matériel : Rome n’aurait jamais pris fin en tant qu’idée. Rome serait l’idée même de la force qui maintient l’humanité captive en réprimant ses moindres élans d’émancipation.

    Contre-blason de l’Empire

    Au fil de sept chapitres qui, de Jules César à Jeanne d’Arc, égrènent les lieux communs du roman national français, Pacôme, transformant sa plume en fouet, s’emploie à défaire le blason de l’Empire. Ce blason poétique, façonné avec ferveur par les partisans de l’Empire – à l’instar de Jacques Bainville, érigé en antagoniste par Pacôme – le magnifie en glorifiant les multiples facettes de son anatomie idéelle. Mais en s’attaquant à ce blason, Pacôme entend révéler toute la laideur de l’Empire, en exposant l’envers obscur des images d’Épinal, trop souvent encensées dans leur version édulcorée.

    Tout, de la bataille d’Alésia au procès de Jeanne d’Arc, en passant par le vase de Soissons ou encore la croisade contre les Albigeois, prend, sous la plume implacable et caustique de Pacôme, un visage morbide, sur lequel plane l’ombre d’un astre noir : celle de César, tout entier à ses proies sublunaires attaché. César, idole de tous ceux qui veulent prétendre au titre d’homme illustre ; César, fléau de tous ceux qui aspirent à pèleriner hors des sentiers sanglants de l’Empire.

    Le Christ et l’Empire

    Si le discours critique de Pacôme Thiellement est possible, c’est parce qu’il puise son origine dans une lignée indépendante de celle qui, de César à Macron, déroule la logique de l’Empire : une lignée inaugurée par le Christ, prolongée par les Sans Roi (les gnostiques) et perpétuée par certains poètes tels que Nerval, Rimbaud ou Artaud. Dans le Psaume des Naassènes – un poème Sans Roi particulièrement cher à Pacôme – le Christ dit à son Père : « Père, envoie-moi […] et je transmettrai [à l’âme] sous le nom de gnose les secrets de la sainte voie », afin que l’âme puisse échapper au « labyrinthe de malheurs » où elle a été précipitée. Ainsi, le Christ ouvrirait la voie pour rendre défectueuse l’emprise de l’Empire sur les âmes.

    Mais l’Empire corrompt. Sous la lumière déformante de ses ambitions, il projette une image altérée de celles et ceux qui contestent sa mainmise, imposant ainsi ses propres vues sur lesdits contestataires. C’est pourquoi l’Empire a prostitué Marie-Madeleine, criminalisé les Sans Roi et psychiatrisé les poètes. Même le Christ n’y échappe pas : il aurait été césarisé par l’Église, devenue une incarnation de l’Empire. Le message émancipateur du Christ aurait ainsi été détourné pour servir le système oppressif de Jugement institué par l’Église.

    À l’orée du Royaume

    Si la lumière de l’Histoire semble n’éclairer que les vainqueurs, il est pourtant possible d’illuminer autrement les existences qui se sont dressées contre l’Empire et qui, en apparence, ont été vaincues par lui. Pacôme s’y échine : il esquisse l’histoire de celles et ceux que l’Histoire a écrasés ou récupérés à dessein : ces anarchistes spirituels, ces poètes de l’action, deviennent les figures éclatantes de son Histoire de France ; ils n’ont pas toujours de nom, ni de biographies solidement documentées, mais ils incarnent l’espérance d’une vie autre, différente de celle dictée par l’Empire : une vie victorieuse sur lui, capable de rendre son emprise inopérante sur les âmes. Ces anarchistes spirituels ont vécu à l’orée du Royaume, consacrant leur existence à la beauté malgré la laideur environnante. Ils ont goûté à l’utopie du Royaume de Dieu que le Christ a annoncée aux vivants il y a quelque deux mille ans.

    Ce premier tome de L’Empire n’a jamais pris fin est une aubaine en ces temps où le moindre défi semble exacerber un profond sentiment d’impuissance. L’Histoire de France, revisitée par Pacôme, agit comme une anamnèse : elle révèle nos luttes passées et les figures qui les ont portées, souvent au prix de leur vie. Le lien d’oubli a duré trop longtemps ; il est donc temps, avec Pacôme et à sa suite, d’oser lire l’Histoire comme si elle avait été écrite pour chacun⸱e d’entre nous, et de nous la réapproprier.

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