À l’occasion de son premier concert à Bruxelles qui se tiendra le jeudi 28 novembre à l’Atelier 210, Kazy Lambist de son vrai nom Arthur Dubreucq, a accepté de nous rencontrer pour parler de sa tournée, de ses errances créatives et de ses voyages.
De Montpellier à Istanbul en passant par Rome, Kazy Lambist capte l’énergie des villes qu’il traverse pour les transformer en mélodies. Doing Yoga, l’un de ses titres phares, incarne son obsession du lointain, inspirée par ses fantasmes de la ville de San Francisco.
Petit, Kazy Lambist rêvait d’être pilote d’avion. Ce désir d’évasion l’a poussé à collaborer avec des artistes du monde entier et a récréer dans ses chansons cette sensation d’émerveillement liée au voyage.
Avec une mère passionnée de lettres, il revendique aussi des influences littéraires. Il invoque Tolstoï et son roman Anna Karénine ou Levi-Strauss et Tristes tropiques qui viennent infuser son imaginaire. Les sonorités de son deuxième album Moda rappellent presque les pages de L’Art presque perdu de ne rien faire de Dany Laferrière : une invitation à ralentir et à savourer. Chez Kazy Lambist, tout est une affaire de nonchalance assumée et, comme l’écrit Laferrière, « la nonchalance est une affaire de connaisseur ».
Si tu devais résumer ta tournée en trois mots, lesquels choisirais-tu ?
Retrouvailles, parce que cela fait des années où je n’ai pas pu tourner. Ensuite, partage, car je peux enfin rejouer mes morceaux devant un public. Et enfin, dépassement : j’essaie de faire des nouvelles choses, de tenter des choses que je ne faisais pas avant, comme aller au contact du public ou danser davantage. Avant, j’étais assez introverti sur scène.
Quand on assiste à un de tes concerts, on s’attend à quoi ? Une claque visuelle, une immersion totale, ou juste un moment de lâcher-prise ?
C’est un moment où on peut lâcher prise. En général, mes concerts sont des moments très positifs, très joyeux. Je retrouve cette bonne humeur dans le sourire des gens. C’est surtout vraiment de la bonne humeur et une vraie parenthèse pour se libérer.
Sur les onze dates restantes y a-t-il une date ou un lieu que tu attends avec une impatience particulière ? Une scène où tu sens que quelque chose de spécial pourrait se passer ?
Il y en a plusieurs et Bruxelles en fait partie, car c’est ma première fois ici. Découvrir ce public, dont certains qui me suivent sûrement depuis longtemps, ça me fait vraiment envie. J’ai hâte de voir la réaction du public. Lisbonne aussi me tient à cœur : j’ai adoré visiter cette ville, et ce sera également une première sur scène là-bas. Enfin, Londres : j’y ai joué une seule fois, il y a longtemps. Et là, la date est sold out depuis déjà quatre ou cinq mois, ce qui montre une vraie attente. C’est toujours un plaisir de ressentir cette énergie.
Tu tournes avec ton deuxième album, Moda, sorti en juin 2024. Tu dis que ta musique a pour ambition d’être un soundtrack for life, une sorte de bande son original. Comment cette idée a-t-elle infusé dans l’écriture et la production de l’album ?
Je pense que c’est une idée que j’ai toujours eue, d’accepter que ma musique ne cherche pas à attirer l’attention directement. J’admire des artistes comme Bonobo, capables de créer des ambiances sans jamais forcer l’écoute. Pareil pour des bandes originales comme celle de Virgin Suicides : tout en retenue, mais magnifique. J’aime cette idée que l’auditeur vienne chercher la musique plutôt qu’elle ne lui soit imposée. Cette retenue, je la garde volontairement.
Avec Moda, tu collabores avec plusieurs artistes étrangers. Comment se passent ces rencontres ?
Ce sont souvent des hasards. En Turquie, j’ai rencontré des chanteuses en me baladant, et leur énergie m’a donné envie de collaborer. J’ai vraiment eu envie de faire un morceau avec elle parce que je pense que je pouvais lui apporter quelque chose, de mettre en valeur ce que je trouvais beau chez elles. J’ai aussi collaboré avec l’actrice italienne Fotinì Peluso, que j’ai découverte dans une série. Je trouvais qu’elle avait une énergie folle. J’avais cette idée d’un poème de Pier Paolo Pasolini et elle, originaire de Rome, s’est parfaitement prêtée au projet. Ces collaborations naissent toujours d’échanges spontanés.
Quand tu regardes ces huit dernières années de carrière, qu’est-ce que tu vois ? Une progression maîtrisée ou un chaos contrôlé ?
J’aime avancer avec une certaine sérénité. J’ai pris le temps de comprendre où je me situais, ce que je faisais et comment me positionner en tant qu’artiste. Je n’ai jamais connu de “buzz” tout s’est fait petit à petit. J’ai l’impression d’élargir progressivement mon projet en explorant de nouveaux horizons, tout en gardant une certaine stabilité et durabilité.
Six ans s’écoulent entre ton premier 30 000 ft et deuxième album Moda, pourquoi autant de temps entre les deux ?
Au début, cela aurait pu être chaotique, car je ne comprenais pas vraiment ce qui m’arrivait. J’ai signé très vite, enchaîné de nombreuses choses, et je n’étais pas heureux. Je ne m’y retrouvais pas : je disais oui à tout, sans prendre le temps de me recentrer. J’étais constamment plongé dans Kazy Lambist, à tel point que mon projet occupait tout mon temps, jour et nuit. Pourtant, j’ai choisi ce pseudonyme, différent de mon vrai nom, Arthur, justement pour séparer ma vie personnelle de ma vie professionnelle. J’ai donc pris quelques années pour redevenir moi-même et pour reconstruire sereinement mon prochain album. Je ne voulais pas tout enchaîner et risquer un burn-out.
En parlant de fin. Il y a deux ans, tu as publié sur YouTube cette série de douze vidéos hyper courtes et cryptiques. Tellement cryptiques que certains de tes fans se demandaient si ce n’était pas un adieu déguisé. Tu veux bien revenir sur cette période et l’idée derrière ces vidéos ?
L’idée de ces vidéos est née pendant le confinement, quand j’ai eu l’envie de faire un album de musique classique. Quand j’en ai parlé à mon manager et au label, ils m’ont dit que c’était absurde : ça risquait de tuer les algorithmes alors qu’on commençait à bien fonctionner.
Ça m’a fait rire, et je me suis dit : autant pousser l’idée à fond. J’ai donc imaginé un faux documentaire, où je raconte ce projet voué à l’échec. On a même tourné de fausses scènes au label, et on s’est beaucoup amusé. L’objectif, c’était vraiment de jouer avec l’idée de l’échec et d’en rire.
Kazy Lambist se produira également le 7 février 2025 au Reflektor à Liège.