Mise en scène de Marie Devroux
Avec Aminata Abdoulaye Hama, Leïla Chaarani, Ferdinand Despy, Marie Devroux et Sasha Martelli
Du 12 novembre au 23 novembre 2024
Au Rideau
Comment sortir de l’impuissance politique ? Ouverture des hostilités propose de répondre à cette question en transformant l’espace théâtral en un laboratoire de jeux, où l’imagination du public est sollicitée pour intuitionner des modes d’organisation alternatifs, hostiles au mode de production capitaliste.
Vous qui entrez ici, chérissez l’espérance
Quel que soit l’angle sous lequel on l’envisage, le présent apparaît comme une catastrophe, laissant présager un avenir démantibulé. La résignation, qui perpétue le statu quo capitaliste, semble devenue la chose du monde la mieux partagée, dans un univers imaginicide qui ne plie que sous les prières insidieuses du fatalisme. À l’expression « Oh là là, c’est compliqué ! » fait écho le « pfff, ça ne marchera jamais ! » – tant de passions tristes, tant d’effets mortifères en raison des puissances structurellement agissantes sur la puissance de chacun⸱e, qui se trouve chambardée et réduite à presque rien.
En traçant, en filigrane du spectacle, l’histoire des luttes d’émancipation et en explorant les avancées théoriques de penseurs majeurs tels que Frédéric Lordon, Frantz Fanon ou Walter Benjamin, les acteur⸱rice⸱s d’Ouverture des hostilités cherchent, avec humour et pédagogie, à rendre accessibles au plus grand nombre des idées exigeantes sur des thèmes variés – justice, écologie, économie, histoire, etc. – qui font émerger, dans l’espace asphyxiant du présent, des interstices où l’on peut prendre le bol d’air d’une pensée autre, déjà-là, et porteuse d’une nécessité d’agir autrement.
Une esthétique du flou
À quoi ressemblerait le monde si nous donnions le jour à autre chose que le capitalisme ? On peut faire vivre cette question le temps d’un spectacle, mais la réponse conserve toujours un certain degré de flou. Consentir au flou, c’est aller à contre-courant de l’esthétique classique, avide d’idées claires et distinctes ; c’est reconnaître la primauté de la complexité du réel sur les idées motrices et directrices censées orienter l’action politique.
Les personnages d’Ouverture des hostilités s’amusent du flou : ils le transforment en un espace de créativité. Bien loin de ternir leurs aspirations révolutionnaires, le flou les incite à mener, collectivement, une réflexion approfondie sur le traitement de cas délicats, comme celui d’un récidiviste de violences fondées sur le genre dans le cadre d’une justice transformatrice. Bien qu’il persiste, prou plutôt que peu, dans cette phase imaginative du projet de transformation du monde, le flou n’est pas une fin en soi ; s’il le devenait, il conduirait à l’égarement. Il est plutôt une dynamique esthétique qui vise sans cesse son propre dépassement, à l’instar du spectacle lui-même, qui est en perpétuelle mutation.
Cette Contribution théâtrale à la destruction du système capitaliste constitue un acte d’artivisme visant à résister à la tentation permanente de l’indéhiscence révolutionnaire. Si l’imagination n’est devenue féconde que pour intuitionner le sinistre empan des catastrophes à venir, le théâtre de Marie Devroux ouvre sur scène l’espace d’une imagination fertile en alternatives. Il ne tient qu’à nous d’éviter la catastrophe dont on épouse les courbes ; il ne tient qu’à nous de créer, collectivement, les conditions nécessaires et suffisantes pour renverser le capitalisme. Les hostilités sont ouvertes !