De Benoît Nieto Duran
Avec Benoît Nieto Duran et Antonio « Nino » Paturano
Du 24 au 26 octobre 2024
Aux Brigittines.
La nouvelle saison des Brigittines s’ouvre sur une performance remarquable de Benoît Nieto Duran et Nino Paturano. Issus de l’univers du hip-hop, ils s’en approprient les codes pour les déformer et partir ailleurs.
Sur un plateau nu, on aperçoit deux chaises vides en fond de scène. Quand la lumière (faible) vient, les chaises sont occupées par deux hommes vêtus à l’identique aux looks semblables. On dirait des jumeaux dans une salle d’attente avec une attitude corporelle propre à ce genre de situation : on croise le jambes, on décroise les jambes, on appuie les coudes sur les genoux, ….
Comme par hasard, un moment ils se retrouvent tous deux dans la même posture : les jambes tendues, les mains derrière la tête. Au son d’un métronome qui va se transformer en tic-tac, ils se lancent dans une gestuelle en miroir, toujours assis, leurs mouvement sont identiques. Puis, ils quittent le mimétisme, chacun n’en faisant qu’à sa tête mais en rythme, avant de le retrouver.
Nouvelle rupture, les mouvements sont dissociés, désordonnés même au niveau du rythme, cette fois. Ils se lèvent et gagnent le centre du plateau. Sur un tempo plus élaboré, ils se retrouvent au sol dans une chorégraphie et un rythme identiques. Ils évoluent ainsi à l’unisson, passant d’une posture à une autre, dans la même gestuelle.
Lorsqu’ils se relèvent, ils semblent errer. Ils cohabitent dans une certaine indifférence, regardent ailleurs comme s’ils cherchaient quelque chose. Ils se rapprochent l’un de l’autre, l’un derrière l’autre, et regardent dans la même direction. Enfin, leurs regards se croisent, ils se voient, avancent l’un vers l’autre, les yeux dans les yeux. On lit une forme de soulagement sur leurs visages.
Le chorégraphe et danseur Benoît Nieto Duran vient du monde du hip-hop, tout comme Antonio « Nino » Paturano, son comparse sur scène. Outre leurs corps athlétiques, en témoignent la précision, l’énergie et la virtuosité dont ils font preuve sur la scène. Ces deux-là ont puisé dans les meilleurs éléments du hip-hop pour les mettre au service de la danse contemporaine. Ils sortent de leur discipline de prédilection, sans la renier, pour gagner plus de liberté en matière de mouvements et d’interprétations.
Ce genre extrêmement codifié et catégorisé (breaking, locking, popping, …) s’exprime essentiellement sous forme de compétition artistique. Les battles donnent lieu à des performances courtes (genre 30 secondes) qui impliquent de se surpasser en peu de temps tout en respectant un langage qui obéit à des règles contraignantes.
Le moteur de Ailleurs réside dans l’envie des deux interprètes de s’approprier les codes du hip-hop et de les déformer. « C’est un moyen de s’ouvrir l’esprit par rapport à d’autres formes d’art, explique Benoît Nieto Duran, pour créer un langage corporel qui deviendra unique. » Sa compagnie, la Manima Dance Company / Manima Dc, a d’ailleurs pour ambition de promouvoir un langage chorégraphique unique en son genre en déconstruisant la gestuelle et les codes du break-dance. Pour le chorégraphe, ailleurs c’est ici et maintenant, quelque chose qui est là en permanence. « On est toujours en train de se projeter, dit-il, la vie c’est du mouvement. Aller ailleurs, c’est la vie. »