États-Unis – La démocratie assiégée
Réalisatrice : Laura Nix
Genre : Documentaire
Nationalité : USA, Allemagne, Belgique
Date de diffusion : 30 octobre 2024 sur la RTBF
Superpuissance économique, politique et militaire, les Etats-Unis règnent sur le monde depuis près d’un siècle. Une hégémonie au partage calculé qui doit en grande partie sa survie à son système politique : la démocratie. Pourtant, depuis 2017, le colosse dévoile ses pieds d’argile avec l’arrivée au pouvoir du très décrié Donald Trump. Un personnage qui symbolise à lui seul le possible déclin démocratique ou l’éventuel changement de paradigme qui s’opère petit à petit dans le pays de l’Oncle Sam. La réalisatrice Laura Nix s’est intéressée de plus près au système politique du pays, aux bases sur lesquelles il s’est construit, à son archaïsme et à ses failles.
A la lecture du titre « La démocratie assiégée », difficile de ne pas penser à l’assaut du Capitole par les partisans de Donald Trump, à Washington, le 6 janvier 2021. Et pour cause, cet évènement très médiatisé a traumatisé l’Amérique. D’une part, parce qu’il était sans précédent dans l’Histoire des Etats-Unis depuis la Guerre de Sécession et d’autre part, parce qu’il devenait le symbole du refus du processus démocratique et de sa légitimité. Laura Nix, aidée par la caricaturiste du Washington Post Ann Telnaes, nous explique en quoi cette attaque demeure l’aboutissement d’un long processus et en quoi les plaies qu’elle a laissées béantes dans la société américaine sont loin d’être cicatrisées.
Pour comprendre comment nous en sommes arrivés là, Laura Nix retrace, avec l’aide d’intervenants de qualité, l’histoire politique des Etats-Unis. De fait, contrairement à d’autres démocraties du globe, la politique américaine est basée sur un système démocratique certes, mais profondément injuste, voire schizophrénique à certains égards.
Citons deux exemples. Le documentaire nous relate, entre autres, que le système des grands électeurs est le premier élément inégalitaire du système électoral américain. De surcroit, lors de l’élection présidentielle américaine, chaque Etat élit des grands électeurs dont le nombre est proportionnel au nombre d’habitants de cet Etat. Un Etat comme la Californie en possède 55 alors qu’un Etat faiblement peuplé comme le Wyoming n’en possède que 3, qui est le nombre minimum de grands électeurs alloués à un Etat. Ce chiffre, bien que calculé tous les dix ans, est le résultat d’une équation quelque peu approximative. Ajoutez à cela le principe du winner takes all, c’est-à-dire que la majorité rafle toutes les voix, et vous obtenez un résultat contestable, à savoir qu’un candidat peut gagner le vote populaire mais perdre au vote du collège électoral. C’est ce qu’il s’est notamment produit lors de l’élection de Donald Trump face à Hilary Clinton, en 2016, malgré le fait que deux grands électeurs du Texas aient fait défection au candidat républicain. Car oui, des grands électeurs n’ont pas l’obligation de suivre les votes populaires… Du moins, n’avaient pas…
Et c’est là qu’arrive notre second exemple. En effet, en 2016, deux grands électeurs ont voté contre le vote populaire de leur Etat, contre le candidat Trump en somme. Un procédé déloyal désormais sanctionnable, comme en a décidé la Cour suprême en janvier 2020… Elle-même dirigée par des juges nommés à vie – comme un monarque, citera l’un des intervenants du documentaire – par le président des Etats-Unis. Donald Trump ayant eu l’occasion d’en nommer trois (sur neuf) durant son mandat, fait rarissime, cette cour est constituée aux deux tiers de juges conservateurs. Dès lors, le 24 juin 2022, la Cour suprême des Etats-Unis annulait un arrêt fédéral, Roe vs Wade, qui garantissait depuis 1973 le droit aux femmes d’avorter sur tout le territoire. La Cour suprême renvoyant la responsabilité à chaque Etat d’autoriser ou non la pratique de l’avortement sur son territoire. Vous comprendrez donc aisément que, les pouvoirs de cette juridiction étant très larges, un président conservateur pourrait dès lors les utiliser à dessein.
Ajoutez à tout cela les réseaux sociaux, la désinformation, la démagogie et la personnalité même d’un Donald Trump, et vous comprendrez la démarche de Laura Nix et Ann Telnaes pour alerter des dangers qui menacent aujourd’hui la démocratie américaine et par extension, d’autres démocraties de par le monde. États-Unis – La démocratie assiégée est un documentaire utile, pédagogique, intelligible et diablement bien illustré pour comprendre les enjeux de l’élection présidentielle américaine qui aura lieu dans une semaine, à savoir le 5 novembre 2024.