Titre : Le prix à payer
Texte : Lucile Quillet
Dessin : Tiffany Cooper
Éditeur : Éditions Leduc
Date de parution : 16 octobre 2024
Genre : Sociologie
Le Prix à payer est une adaptation en bande dessinée du livre Le Prix à payer, ce que le couple hétéro coûte aux femmes par sa propre autrice Lucile Quillet et par l’illustratrice Tiffany Cooper. À elles deux, elles enquêtent pour chercher à comprendre ce que les différents points de passage du couple hétéro pèsent aux femmes, à savoir : la drague, la mise en ménage, la charge contraceptive, la charge parentale, si enfant il y a, etc., puis la séparation (vu qu’un couple sur deux se sépare) et pour même terminer sur le veuvage.
Les autrices s’amusent à nous faire entrer dans le monde fabuleux du couple grâce à l’intervention régulière de différents personnages : Cupidon qui se promène les fesses à l’air et qui a des lapins demandent constamment de trouver un slip et de le mettre, des lapins donc, un oncle chauve et bedonnant incarnant… l’oncle chauve et bedonnant aux blagues très lourdes, une Marianne qui se demande comment on en est arrivé là ou encore Napoléon Bonaparte, pas connu pour son féminisme. Ainsi, les diverses thématiques sont chaque fois rendues un peu plus légères par l’humour constant.
Parce que le constat général est assez noir : les femmes se font avoir, à peu près sur tout. Le couple hétéro est un esclavage qui ne dit pas son nom, et le seul qui en tire quelque chose, financièrement parlant, c’est l’homme. Ici, j’exagère le trais exprès, mais dans les faits, les autrices détaillent à quel point la mise en conjugalité hétéro fait perdre de l’argent aux femmes, et que rien n’est pensé, dans la société actuelle, pour les mises en couple non traditionnelles. Les femmes qui se mettent en couple y perdent car les lois ont toujours tendance, même insidieusement, à favoriser l’homme, le breadwinner, celui qui s’occupe de ramener l’argent à la maison pendant que son épouse se met à mi-temps pour gérer les enfants. Si le constat ne paraît pas forcément nouveau, il semble encore très actuel.
Comme les lapins et Cupidon le commentent eux-mêmes, les autrices plombent l’ambiance jusqu’à la fin. Elles essaient de finir avec une vue utopique et idéale de la société qui nous permettrait de sortir de ce schéma-là, vue à laquelle il est difficile d’y croire, étant donné qu’elles laissent alors leurs habits sociologiques et scientifiques pour enfiler une cape évaporée arc-en-ciel bisounours, sans plans d’action concrets à mettre en place dans la vie de tous les jours.
Si le lapin et Cupidon ont raison, la bande dessinée étant une longue liste de choses et surtout d’argent que les femmes perdent en se mettant en couple hétéro, les couleurs, les dessins et le graphisme, simples et directs, font tout de même que nous ne sommes jamais aspirés par un trou noir dépressif (je peux écrire cela peut-être aussi parce que je suis un homme). L’humour fait ici office de politesse du désespoir. Et c’est d’autant plus désespérant que c’est toujours actuel, en 2024, que les femmes perdent, quotidiennement et tout au long de leur vie, du temps, de l’argent, du soin pour ces hommes qui les accompagnent, et ce d’autant plus qu’un couple sur deux se sépare (et que les femmes y perdent plus au change, financièrement parlant). La bande dessinée, se superposant au roman et touchant ainsi davantage de personnes, permettra peut-être une lente conscientisation en la matière ainsi qu’une possible perspective de changement.