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    The greenhouse et l’absence d’empathie

    Ressentir. Voilà sûrement le mot qui incarne le plus l’essence de l’art. C’est vague, oui. Mais une fois qu’on a posé ce mot-là, ressentir, on peut se poser les questions du quoi et du comment. Une fois qu’on a compris que le but était de faire ressentir des choses, on peut se demander comment l’auteur de l’œuvre s’y est pris. The greenhouse court derrière deux émotions très fortement compatibles : la tristesse et le stress. Ou disons-le de manière plus élaborée : l’empathie et le suspense. L’empathie, puisque le film tente de comprendre une mère qui vit dans la misère, mais va malgré tout faire des pieds et des mains pour être en mesure d’accueillir son fils à nouveau chez elle. Le suspense, puisque le décès accidentel de sa patronne va remettre en question la stabilité de son quotidien.

    Le problème d’une émotion, c’est qu’elle est propre à chacun, c’est ce qu’on appelle les goûts et les couleurs. Ce qui peut paraître comme enfoncer une porte ouverte est pourtant le souci fondamental de la production artistique. Puisque personne ne ressent de la même manière alors comment être sûr que ce que je mets en place va aboutir ? La première des solutions va être de l’ordre de la reproduction. Regarder ce qui fonctionne, utiliser le même procédé. Une même cause aura une même conséquence. Il suffit donc d’analyser le mécanisme qui fait que ça marche pour obtenir un résultat concluant à nouveau.

    L’autre solution est, certes, plus aventureuse puisqu’elle ne se cantonne pas à une simple reproduction, mais plus dangereuse aussi, étant donné que le but sera de pousser au maximum les curseurs des éléments qui doivent faire naitre l’émotion. Pour The greenhouse, cette option semble avoir été privilégiée. Problème, à trop pousser les curseurs, on rend le tout désincarné, on perd en sincérité. C’est ce qu’il se passe malheureusement ici. Un simple pitch du film nous fait nous en rendre compte : une femme dépressive voulant récupérer son fils interné (ou enfermé ce n’est jamais précisé) va utiliser sa mère sénile afin de cacher la mort de sa patronne atteinte d’un Alzheimer très avancé aux yeux de son patron aveugle et lui aussi atteint d’Alzheimer. Toujours plus. À rechercher au maximum des émotions et des situations particulières, on finit par avoir une histoire incroyable, au premier sens du terme : que l’on ne peut pas croire. Comment se projeter dans une histoire qui se veut réaliste, mais qui n’incarne aucune réalité ? Comment s’investir émotionnellement envers des personnages auxquels on ne croit pas en l’existence ?

    Ainsi l’empathie n’arrive jamais, mais c’est aussi à cause de cette recherche de suspense, elle aussi, ratée. Un film à suspense est un film dans lequel la fin n’est pas sûre. Notre stress de spectateur va venir du fait qu’on ne sait jamais comment les choses vont terminer, si notre personnage principal va réussir ce qu’il a entrepris, va surmonter ce à quoi il fait face. L’empathie nait aussi de là, non plus de ce que le personnage est mais de ce qu’il fait. Évidemment, les deux choses ne sont pas excluantes, ce que fait un personnage va lui donner une identité et ce qu’il est induit ce qu’il va faire. Mais on peut quand même distinguer l’être et le faire puisque la plupart des narrations demandent à leurs personnages principaux de dépasser ce qu’ils sont afin de surmonter les obstacles qui se dressent face à eux. Tout ça pour dire qu’on stresse parce qu’on a envie que notre personnage s’en sorte, et ça, c’est un fort vecteur d’empathie.

    Nouveau problème pour The greenhouse puisqu’à aucun moment il n’est envisageable que Moon-Jung, notre personnage principal, réussisse ce qu’elle a entrepris. Il n’existe aucune réalité dans laquelle elle peut récupérer son fils de manière pérenne en substituant sa patronne décédée avec sa mère sénile. Cet échec couru d’avance entraîne deux choses létales pour le film. D’une part, cette impossibilité à réussir, cette absence d’espoir fait que le spectateur se désinvestit émotionnellement de Moon-Jung, ne lui accordant qu’une empathie très relative. Et d’autre part, l’aspect thriller, film à suspense tombe complètement à l’eau puisque la question n’est plus « va-t-elle s’en sortir ? », mais « combien de temps cela peut-il durer ? » ou « comment va-t-elle se faire prendre ? ».

    Aussi, si tout n’est pas raté dans The greenhouse (les relations entre les personnages sont par exemple extrêmement réalistes et touchantes), le film s’essouffle extrêmement vite étant donné que l’on sait très rapidement comment tout cela va terminer, mal. The greenhouse c’est une longue décadence, l’histoire d’un échec sans surprises, qui laissera froide toute personne qui ne serait pas assez folle que pour espérer l’impossible.

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