Titre : Elizabeth II
Auteur : Philippe Chassaigne
Éditions : Gallimard
Date de parution : 05 septembre 2024
Genre : Histoire
Elizabeth II est une des personnalités de la seconde moitié du vingtième siècle et de ce début de vingt-et-unième siècle parmi les plus connues. Son règne fut presque aussi long que celui de Louis XIV, dans l’histoire des monarques européens. Elle connut la destinée d’une princesse qui ne devait pas être reine. Elle instaura son règne, sa personnalité, sa monarchie constitutionnelle, forcément critiquable. Jusqu’au bout, de sa longue vie, elle décida de se consacrer, corps et âme, à son peuple et au Commonwealth, héritage de l’Empire.
On pourrait se demander l’intérêt qu’il y aurait à lire une biographie de cette reine hors-norme, surtout si vous avez regardé la sixième saison de The Crown sur Netflix (et toutes les autres également). Pourtant, à moins que vous ne soyez un fan de la première heure de la monarchie anglaise, le livre de Philippe Chassaigne vous permettra de découvrir l’époque où vécut Elizabeth II, grâce à des détails oubliés. Saviez-vous par exemple que la capitale australienne, Canberra, voulait dire « lieu de rassemblement » en langue aborigène, et avait été choisie pour amoindrir la rivalité entre Sydney et Melbourne ? C’est ce genre d’anecdotes, utiles ou non, qui agrémentent le roman. Une petite vidéo Arte sera d’ailleurs toujours utile pour rappeler la différence entre Grande-Bretagne, Angleterre et Royaume-Uni.
Chassaigne, en avant-propos, distingue quatre types de livres sur Elizabeth II : les biographies d’historiens professionnels, celles écrites par des reporters spécialisés dans les royals, les livres où des membres proches de la monarchie confient leur vécu avec la famille la plus connue d’Angleterre, et tous les autres, dont « la priorité n’est pas de contextualiser ». Dur de savoir dans quelle branche se range Chassaigne, qui n’en est pas à son premier livre sur la monarchie anglaise. Il s’intéresse ici à la reine en tant que personnalité politique, en laissant l’émotion sur le carreau. Dans son livre Elizabeth II, il décrit longuement les voyages de la reine (et du roi Philip), les objectifs politiques cachés ou non de ces dits voyages, et s’attarde aussi sur les cérémonies officielles (les enterrements, les mariages, les couronnements). Contrairement à « The Crown », il n’essaie jamais d’entrer dans la peau de son héroïne, de savoir ce qu’elle pensait, ce qui l’émouvait. Ce n’est pas non plus un livre qui raconte le quotidien (il faudrait plus que 300 pages folio pour raconter 95 ans de vie d’une monarque).
C’est un parti-pris que Chassaigne choisi, qui est valable parce qu’assumé. Il y dévoile un grand respect et une certaine dévotion pour son sujet et pour la monarchie anglaise. On peut sentir un grand amour pour cette reine, qu’il fait sienne. Ce n’est pas un livre d’historien pour autant, ni académicien. Il distille par ci par là des commentaires politiques, pas toujours des plus subtils : il compare ainsi l’oncle d’Elizabeth II, Edouard VIII, le roi qui a abdiqué, avec Harry, le petit-fils de la reine, et dit d’eux que ce sont des hommes faibles qui ont besoin de s’entourer de femmes avec de fortes personnalités (respectivement Wallis Simpson et Meghan Markle).
Le livre de Chassaigne n’est donc pas un livre de plus, ou un « synonyme » de The Crown. C’est un ouvrage qui permet de découvrir, en peu de pages, la jeunesse de cette reine, quand elle pouvait vivre « presque normalement », sans les conventions de marque liées à son caractère royal. Et il rappelle également le sang-froid avec lequel Elizabeth traversa l’époque, marquée par de nombreuses crises sociales et économiques, tant en Angleterre qu’au Royaume-Uni et dans tout le Commonwealth, et par de nombreux drames comme la catastrophe d’Aberfan, en 1966, où 116 enfants périrent suite à un glissement de terrain ou la mort accidentelle de Diana en 1997.