Titre : La dernière place
Auteur : Négar Djavadi
Éditions : Folio
Date de parution : 5 septembre 2024
Genre : Essai
La plupart d’entre nous n’entendent parler de l’Iran qu’à travers le prisme de l’actualité internationale, quelques minutes de temps en temps lorsque les tensions entre ce pays et ses voisins s’accroissent et risquent de dégénérer en conflit plus vaste. Les plus curieux auront eu l’occasion de découvrir quelques œuvres de grands cinéastes iraniens lors de leur sortie en salle après un succès lors d’un grand festival international. La dernière place de Négar Djavadi est l’occasion de comprendre l’Iran à travers son peuple, ses souffrances et les liens qui subsistent entre sa diaspora et ceux qui sont restés, prisonniers du régime pour la plupart.
Le 8 janvier 2020, le vol 752 d’Ukraine International Airlines reliant Téhéran à Kiev s’écrase six minutes après le décollage entraînant la mort des 176 passagers et membres d’équipage.
A travers l’histoire de sa cousine Niloufar Sadr, présente sur ce vol, ce récit relate cette catastrophe et les trois jours qui ont obligé le gouvernement iranien à avouer avoir abattu cet avion. Devenue un traumatisme national, la chute du PS752 constitue un des événements majeurs à l’origine du mouvement révolutionnaire qui s’est emparé de l’Iran à l’automne 2022.
Trois jours qui condensent plusieurs dizaines d’années de colère, de peur et de ressentiment, de vies brisées tant par la police politique du Shah d’Iran que par le régime islamique actuel, trois jours qui résument la manière dont les autorités se jouent de la vérité et se moque des aspirations du peuple, et, en écho à la négation de leur aspiration à vivre libre, la réaction du peuple qui n’est plus dupe des agissements de leurs dirigeants.
Mêlant le côté intime des relations familiales et la Grande Histoire dont les soubresauts influencent les décisions de la famille Sadr, l’ouvrage de Négar Djavadi nous résume assez bien l’histoire iranienne depuis les années 1950 et l’intervention de la CIA jusqu’aux récents événements qui ont à nouveau soulevé la colère du peuple. Outre l’intérêt historique et géopolitique, le grand mérite de ce livre est de détacher le peuple de son régime afin que les lecteurs comprennent à quel point la majorité dans des régimes dictatoriaux est souvent la victime, directe ou indirecte des conflits qui la dépasse.