Concept et chorégraphie Mercedes Dassy
Avec Kanessa Aguilar Rodriguez, Kim Ceysens, Mercedes Dassy
Les 20 et 21 septembre 2024
Au Théâtre National
Elles sont assises et nous regardent, papotent, sur une extrémité du plateau, à cour. Une fois le public installé en pack, comme un murmure qui se répand, le silence se fait. Pourtant, le spectacle n’a pas encore commencé. Ou peut-être que si, quand on se prend à regarder cette fille avec ce grand sourire, un peu gêné de ce silence soudain, discuter avec les 3 autres qui l’accompagnent. Enfin, Ruptuur démarre. Elles se lèvent alors, et apparaît leur corps de fer et de métal artificiel : ce sont des « centauresses », équipées de pattes arrière amovibles, ce sont des cyborgs.
Dans un geste un peu confus, elles se dirigent d’un seul mouvement vers un poste de musique à côté d’elles, toujours à cour, et qui ressemble à un twister pour adultes. Elles souhaitent mettre de la musique, des morceaux sont appelés à la rescousse, elles ne sont pas satisfaites, s’échauffent, s’excitent. Un morceau envahit tout de même l’espace, et les quatre danseuses vont alors montrer leur corps hybrides, puis préparer la guerre : avec des mouvements hachés et décalés, les premières minutes sont consacrées à l’exposition de leur talent. Parfaitement synchronisées, s’expriment de leurs corps mi-humains mi-animaux mi-robots une violence palpable, non maitrisée, qu’elles rejettent sur le corps de l’autre, ou qu’elles emmagasinent en elles.
On aurait aimé voir ces centauresses déployer cette danse durant une heure, ce travail indéniable et impressionnant. Sauf que Ruptuur ressemble davantage à cette confusion inaugurale, où les quatre femmes hésitent sur quelle musique danser, qu’à une danse ou un spectacle abouti. Elles dansent très peu, dans Ruptuur. Elles crient, très fort, elle font des pauses et rallument la lumière sur le public, pour boire de l’eau, respirer, elles jouent ce qui paraît être un enterrement de l’une d’elles, dans une scène très longue et silencieuse… Mettre en images et en corps « l’anarchie et la colère », dans « cette ruade dans les conventions » est une idée fantastique, à condition d’avoir réellement quelque chose à proposer, un projet quelconque plutôt qu’une envie entre potes d’exploser, de roter et de péter sur scène, même si cette envie est légitime et même bienvenue.
Alors qu’elles avaient tout en main pour créer un spectacle réfléchi sur le devenir hybride des êtres, ou sur autre chose, elles ne font pas grand-chose de cette matière. Tout est confus, et ce dès l’exposition inaugurale sur le plateau de cette grande table à matériel, comme si elles étaient toujours en recherche, en recherche même du sujet duquel elles souhaitent parler. On ne peut même pas dire que la fin du spectacle, que je n’évoquerai pas ici, est bâclée vu que pour bâcler une fin d’un spectacle, il faudrait l’avoir penser. Ici, ce final laisse un peu abasourdi, tellement il est dépourvu d’enjeux, de dramaturgie, de tension. C’est d’autant plus dommage de terminer sur une note aussi lamentable que ces quatre femmes ont en elles un pouvoir inexploité, qu’on ne peut qu’apercevoir qu’un temps limité dans Ruptuur, à travers leur corps dansant.