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    La Partition joue entre la mort de la norme et les standards mortels

    Si la tradition ne doit s’incarner que dans un seul aspect de nos vies, dans une seule entité, c’est dans ce qu’on appelle La Famille. Qu’on le veuille ou non, notre société est construite autour de la famille, et ce, peu importe ce que l’on met derrière ce mot. On parle de famille nucléaire, de famille agrandie, de famille de cœur, mais on parle toujours de famille. Plus que l’Amour, plus que le Travail, c’est le concept de Famille qui traverse nos vies. On en vient tous d’une et on est très fortement encouragés à en créer une autre. Et de ce concept universel né des injonctions, des droits et des devoirs qui changent selon la société, qui évoluent dans le temps, mais qui ne remettent jamais au grand jamais l’omniprésence des liens familiaux.

    Ainsi les différents membres de la famille s’accommodent plus ou moins de ces obligations, de ces normes qui régissent les interactions de telle personne occupant tel rôle avec tel autre. Aussi, bousculer ces fonctionnements, c’est finalement, remettre en cause tout le système social, c’est se marginaliser. La Partition emprunte ce chemin. En déconstruisant les relations intrafamiliales, Matthias Glasner crée des personnages marginaux alors même que leurs décisions seraient, dans un autre contexte que celui de la famille, tout à fait audibles. Mais puisque ces dynamiques ont lieu dans cette entité, on sort de la norme, de l’acceptable, et c’est exactement ce que le reste de la société leur renvoie. Et ce rejet qu’ils ressentent se répercute sur leurs vies, sur leur manière d’appréhender le monde dans sa globalité. Ainsi donc, il y a quelque chose de l’ordre du performatif : ceux que l’on décrit comme marginaux pour faire ou dire des choses qui ne le seraient pas dans un autre contexte finissent par le devenir et par l’accepter.

    Mais qu’est-ce que la marginalité si ce n’est le refus d’une norme ? On peut, bien sûr, se poser la question du bienfondé de la norme. Mais qu’elle le soit ou non, elle ne reste que de l’ordre de l’arbitraire et n’existe que parce que le plus grand nombre s’y conforme. On peut donc voir les choses comme suit : les marginaux sont ceux qui interrogent les standards et si les standards sont remis en question par une majorité alors ils cessent d’exister en tant que tels et font des marginaux la norme et de ceux qui continuent de suivre cet ancien canon, les marginaux.

    En montrant des personnages marginalisés, car n’ayant pas un rapport normé aux membres de leurs familles, ne s’inscrivant pas dans le schéma familial traditionnel, Matthias Glasner participe à la remise en cause de la Famille dans sa forme classique, dans son fonctionnement traditionnel. La Partition est une fresque, un film polyphonique qui met en lumière les méfaits à la fois d’une mise au ban, mais aussi de ceux liés à une trop forte envie de se conformer malgré nous aux standards. Au travers d’histoires simples, La Partition déconstruit froidement le modèle familial classique qui, comme toute norme, se montre d’une intolérance intense envers ceux qui ne s’y reconnaissent pas. En somme, La Partition, c’est un film qui attaque avec violence les choses qui le sont.

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