Scénario : Aude Mermilliod
Dessin : Aude Mermilliod
Éditeur : Casterman
Sortie : 11 septembre 2024
Genre : Roman graphique
Aude Mermilliod raconte d’abord le monde d’avant, avant le regard des garçons. Comment elle dansait et virevoltait dans la vie, sans honte et sans remords. Et puis, c’est la rencontre. Violente. Elle mettra plusieurs années à la nommer, toujours hésitante : viol, abus, agression. Elle avait 14 ans. Depuis, c’est une tentative de retrouver ses ailes et son corps, d’exprimer ses désirs et de réapprendre à danser sans se soucier du regard ou des corps des autres (garçons).
Faire part de ses doutes
Dans ce roman graphique, l’autrice nous fait donc part de son intimité et se met à nu. À 37 ans aujourd’hui, elle se dessine sous toutes les coutures et occupe les pages de ses doutes intérieurs : comment gérer ce corps trop libidineux ou pas assez, toujours trop ou jamais assez, que faire de sa sexualité quand sa première pénétration était une pénétration forcée, elle qui lui avait dit non, pourtant… avait-elle été assez claire ?
Éclore est un roman de rédemption, de réparation, comme cet arbre qui fleuri tout au long des 250 pages, c’est un roman où une jeune fille découvre la violence du sexe avant de chercher ce qui lui plait vraiment, et à tout doucement arriver à énoncer ses désirs, à ne plus chercher à plaire à tout prix aux hommes pour qu’ils la valident comme une bonne meuf, une meuf qui aime baiser.
La violence du sexe, elle arrive à la transmettre, sans chercher la provocation ou les pleurs. Elle décrit ses sensations physiques, ses souvenirs, les trajets qui l’ont amenée à cette chambre où ce garçon, sans même la regarder, sans lui donner son avis, sans lui apporter une quelconque note de tendresse, va abuser d’elle, la pénétrer avant de la jeter dehors comme il aurait envoyé valser un mouchoir en papier une fois avoir éjaculé. Elle rencontrera d’autres hommes, dans sa vie, et des femmes évidemment, qui lui feront découvrir un autre type de sexe, parfois expérimental, comme à Montréal, ou enveloppé de massages lumineux, en France, durant le confinement.
Un espace pour parler d’intimité
Éclore, c’est une bande dessinée qui éveille la curiosité grâce ses dessins qui vont droit au but et son texte espacé comme il faut, comme un jeu entre des nuages. Le sexe n’est jamais ici l’enjeu principal, mais un espace pour parler d’intimité, de stabilité émotionnelle, de connaissance de soi. Si la sexualité est l’outil utilisé, elle n’est pas forcément le sujet du roman : les dessins restent très sobres, ils sont dans l’évocation, l’érotisme y est montré en pointillé, en retenue, avec une certaine pudeur même si elle se dessine volontiers nue, peut-être un reste de l’éducation familiale que l’autrice a reçue. Extases de Jean-Louis Tripp, bandes dessinées en 2 tomes où l’auteur raconte son autobiographie sexuelle également, est plus explicite, mais c’est aussi l’histoire d’un homme qui ne s’est pas fait violer, lui. Aude Mermilliod ne cherche pas à exciter, elle cherche à comprendre. Alors, elle embarque dans cette aventure intérieure, en chevauchant son corps, pour tenter de faire la paix avec les hommes, avec le sexe, et découvrir d’autres possibles que ce que la société lui avait toujours fait miroiter, à savoir être un objet sexuel pour un homme.