Mademoiselle Julie
de Liv Ullmann
Drame
Avec Jessica Chastain, Colin Farrell, Samantha Morton, Nora McMenamy
Sorti le 19 novembre 2014
C’est bien connu, l’amour est un sujet compliqué, surtout lorsqu’il s’embarrasse de considérations de classes sociales. Si elles ont été nombreuses, force est de constater que les les révolutions n’ont pas réussi tout à fait à abolir ce grain de sel qui parfois encore vient se glisser dans les rouages bien huilés du bonheur conjugal puisque l’opposition entre nobles, membres du clergé et Tiers Etat s’est simplement débarrassé des Ordres pour opposer désormais prolétariat et bourgeoisie…
Bien qu’elle l’aborde sous le miroir d’Aphrodite, c’est sans doute cette constante lutte des classes et les frontières sociales qui s’y dessinent qui fascinent Liv Ullmann dans ses productions cinématographiques. En effet, après Sofie et Kristin Lavransdatter ainsi qu’une pause cinématographique de quatorze ans, la réalisatrice norvégienne Liv Ullmann renoue avec ce sujet qui lui est cher en s’attaquant à Miss Julie (Mademoiselle Julie), la plus célèbre pièce du réalisateur suédois August Strindberg.
Point de Suède pourtant dans ce film, puisque, pour des raisons linguistiques elles-mêmes liées à des impératifs de subsides, il fallait transposer cette pièce dans un pays anglophone. Le choix s’est alors porté sur l’Irlande dont l’histoire fait justement échos aux crises sociales. C’est donc dans le château de Coole qu’ont été tournées l’ensemble des scènes qui reprennent de la pièce de théâtre l’ambiance de huis clos suscitant chez le spectateur ce sentiment d’étouffement qui fait échos à l’oppression sociale que subissent les personnages
Mademoiselle Julie y est fille de comte. Orpheline, emprisonnée dans la froideur d’un monde régi par son père et les impératifs liés à son rang, Julie aime à pavaner dans la cuisine, un endroit où les gens semblent plus vivants. En quête de chaleur humaine, elle y tente visiblement de séduire le valet Jean. Ce dernier, attiré par le clinquant de la noblesse, résiste un moment avant de succomber. Lui, tenté par l’ascension sociale, elle souhaitant retrouver ce souffle de vie dont elle se sent privée ; leur relation débute sous de bons auspices. Pourtant, Jean se rend rapidement compte que les idéaux qu’il formait en la personne de Julie n’existent pas et que la fille de comte qu’il trouvait si belle et si parfaite n’est qu’un être de chair et de sang qui peut aussi connaitre la déchéance. Elle, de son côté, découvre le visage manipulateur, froid et ambitieux du valet.
Rien n’est simple dans ce film, d’autant plus que les relations entre Julie et Jean sont également compliquées émotionnellement et psychologiquement par la présence de la cuisinière Kathleen qui assiste avec impuissance à ce jeu de séduction-répulsion tandis que le conflit entre catégories sociales se double de cette éternelle rivalité entre la femme et l’homme.
Malgré cette complexité et les sujets pourtant encore brulants qui sont abordés par Miss Julie, ce film ne parvient à aucun moment à nous tirer de l’ennui auquel nous condamne son huis clos qui, s’il seyait parfaitement au théâtre, pèse de tout le poids de son inertie sur le spectateur. Il faut dire que cette impression de lourdeur et de lenteur est exacerbée par la volonté de la réalisatrice norvégienne de supprimer au maximum les ruptures dans le montage, ce qui donne lieu à des séquences aussi interminables que sans rythme.
Enfin, pour un film qui ne se base donc que sur les dialogues et le jeu d’acteur, la prestation de Colin Farrell est étonnement agaçante de platitude alors que Jessica Chastain est trop vite cantonnée à la fragilité. Tandis que cette dernière, telle Ophélie, s’évanouit dans la rivière, on ne peut s’empêcher de se dire que, décidément, cette quinzième adaptation cinématographique n’aura été qu’un coup dans l’eau…