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    Neuf, Fait d’une pierre deux coups

    Scénario : Philippe Pelaez
    Dessin : Guénaël Grabowski
    Éditeur : Dargaud
    Sortie : 31 mai 2024
    Genre : Science-fiction

    L’espace nourrit l’imaginaire. Des millions d’histoires l’éclairent, comme des astres brillant dans la nuit. Mais aucun mot ne viendra jamais complètement à bout de sa part d’ombre. L’univers est mystérieux. Comme le temps. Alors que se passerait-il si on réunissait ces deux énigmes dans une seule bande dessinée ? On obtiendrait un Neuf bien pondu, quelque part à mi-chemin entre Interstellar et Retour vers le futur, sauce Largo Winch. Dans cet alien narratif, Johnny Hubbel peut se féliciter d’être le digne fils de son père. Comme lui, c’est un spationaute de génie. Certains diront même le seul dont la trempe égale celle de Johnny senior. Il n’est encore qu’un étudiant. Mais son niveau excède de loin celui de ses professeurs. Sa réactivité dans les exercices de simulation est impressionnante. Trop même, pour être innée. Alors qu’il conduit la première mission menée vers une hypothétique neuvième planète – preuve, s’il en fallait encore, de son talent – son vaisseau prend feu. Il se réveille au bord de la route, étourdi par une collision qu’il a évité de justesse.

    Quand Pelaez et Grabowski nous assomment d’exoplanètes détectables grâce à l’observation de l’étoile autour de laquelle elle gravite et d’objets inconnus qui passent la ceinture de Kuiper et le nuage d’Oort, on se dit que soit ils ont bien bûché le sujet, soit ils nous endorment. Le résultat est le même ; on y croit. Du moins sur le plan astrophysique. Parce que sur le plan temporel, c’est plus nébuleux. Certaines réponses s’essoufflent dans leur logique. Pas dramatiquement, mais un peu trop pour un album qui cherche la précision dans ses explications. Leur technicité appelle notre exigence.

    Un projet trop dense

    Ceci dit, ces lacunes viennent avant tout du format. Développer un projet si ambitieux sur quatre-vingt pages, c’est faire rentrer un éléphant dans un dé à coudre. Les auteurs rejettent les contre-indications. Ils se préparent pour deux grandes conquêtes : le temps et l’espace. Le vol est périlleux. Il faut suivre une logique qui défonce toute forme de chronologie linéaire, en s’efforçant de rester cohérent avec le discours scientifique que l’astronomie oblige à tenir. C’est beaucoup trop titanesque pour un format court. Du coup, ça devient très dense. Et le dessin détaillé, quoique techniquement admirable, n’allège pas le rendu. Il faut lire Neuf d’une traite, sous peine d’atterrir dans un vortex narratif, en pleine perte de vitesse.

    Mais malgré toutes les difficultés d’un tel récit, Neuf parvient à destination sans encombre. Bien campé, il est capable de convaincre le lecteur le plus récalcitrant. Il faut dire que son style très classique n’est pas dans la tendance du moment. Avec son dessin réaliste, il marche sur les pas d’un Jean Giraud ou d’un Philippe Francq. Et il n’échappe pas, bien sûr, aux stéréotypes du genre. Les experts sont grisonnants. Les femmes sont des femmes. Leur poitrine et leur fessier viennent jalonner un corps aussi plat que la Belgique. Leur bouche mutine embrasse, du coin des lèvres, le bel astronaute qui en plus d’être surdoué, on vous le précise ; n’a pas pris un gramme en dix ans. Si ce genre de bande dessinée était une figure, ce serait celle du papy un peu dépassé qui, à Noël, fait des blagues aussi grasses que la dinde qu’il décortique sans ménagement. Mais ce papy, on l’aime quand même. Surtout quand il nous raconte de belles histoires. Et Neuf n’est pas en reste quand il s’agit de captiver son auditoire.

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