Et c’est une fin de BIFFF anticipée pour moi. Comme le dit Olivier Eggermont, je suis fragile et la fatigue et la maladie m’ont saisie. Avant de me vautrer, la goutte au nez, dans mon lit, je suis tout de même allée honorer mes trois dernières séances.
Compétition internationale de courts-métrages partie 2
A fermenting women de Priscilla Galvez.
Marielle Lau , cheffe visionnaire, adore fermenter des aliments, avec plus ou moins de succès. Un jour de règles, elle se dit « Hey, quitte à douiller chaque mois, autant que ça soit utile pour le boulot ». Mention plus que spécial pour cette coupe menstruelle filmée dans son habitat naturelle.
Dream creep de Carlos A.F. Lopez.
Vous feriez quoi si vous entendiez la voix de votre partenaire venant de son oreille ? Sûrement les mêmes choses bêtes et compréhensibles que ce pauvre compagnon qui va s’en mordre la confiance.
Piggy 1/2 de Fish wang.
Fable écolo et légèrement moralisatrice colorée et touchante malgré son discours et sa sur-explication de tout ce qui s’y passe. Je n’ai pas plus à dire que tout n’est pas forcément bon dans le cochon.
Urban de Luso.
Vous pensez que c’est une bonne idée d’aller passer un week-end en famille dans l’appartement d’une autre famille ? Économiquement, c’est avantageux par contre, pas sûre que vous passiez des bonnes nuits. Ps : la fin va vous surprendre.
Point chant Despacito/10 ; savoureux quand la personne ne connaît vraiment vraiment vraiment pas la tradition de la chanson.
The Looming de Masha Ko.
Sûrement le court le plus pur jus horreur et tension. Un vieil homme est terrorisé par une présence dans sa maison. La question sera de savoir si c’est une réalité ou une métaphore de sa propre sénilité. Et peu importe la réponse, The Looming est tranchant et vraiment effrayant.
Cette sélection est de haute qualité et surtout, d’une qualité constante. Aucun des courts n’est à jeter, il y a un propos, un style franc et marqué, une idée originale, une intention claire, un travail sur l’image, bref, on adhère et on adore totalement.
Property de Daniel Bandeira.
8/10 : le film est excellent et ne prend pas ses spectateurs pour des cons.
2/10 : vous feriez mieux d’aller promener votre chien. Au moins, les paysages sont beaux.
En début de séance, Stéphane le talentueux nous partage ces deux avis trouvés sur Internet.
Voici le mien, 4/10 : j’aurais préféré largement lire Property que de le voir.
Tereza qui tentent de se remettre d’une prise d’otage traumatisante et Roberto qui tente de sortir sa femme de sa torpeur par tous les moyens coulent des jours privilégiés dans leur penthouse de Rio. Il lui offre d’abord une belle voiture bien blindée comme il faut (winkwink) et un joli week-end à la campagne dans leur domaine familial avec petite rivière, palmier soleil et une dizaine d’ouvriers agricoles. Pas de chance, ces derniers viennent d’apprendre que le domaine allait être vendu et qu’eux, ils allaient passer à la trappe sociale sans autre forme de procès ou de justice. Sans aucun doute, aucun, ils ne vont pas se laisser faire et ils viendront chercher eux-mêmes leur justice et leurs indemnités. Ça va chier.
Et bien pas du tout, vraiment pas du tout.
Après 10 jours de festival, je me suis rendu compte que j’étais assoiffée de sang, de chair et de coups, que je voulais de la violence et de l’intensité dramatique, des scènes de tension rythmée, quelques bons vieux jumpscares, la base en somme. Alors la déception est intense et la soif est grande devant Property. Le souci, c’est qu’on comprend la tension plus qu’on ne la vit. Sur papier, tout est là, le sujet politique, des intentions claires, une intensité dramatique et puis l’envie de connaître la résolution, de savoir comment cette lutte des classes va se finir. Sur écran, je me serai contentée d’un court, d’un très court ou encore plus, juste du synopsis du BIFFF qui décidément sait vendre avec brio tous ces films, même les plus claqués au sol du ciné 2.
Qu’est-ce qui donc a pêché dans ce film ?
Définitivement le mauvais dosage entre dialogue et scènes d’action et par action, je n’entends pas que des scènes de baston, simplement des scènes qui font avancer l’histoire sans utiliser les dialogues. Finalement, la base du cinéma, montrer au lieu de dire. Ce qu’on nous propose ne raconte pas grand-chose ou ne parvient pas à venir nous chercher dans nos petites entrailles de biffeureuses. On est en dehors de la scène, des enjeux, de l’histoire et tristement, parfois, on aimerait être en dehors de la salle. Je me permets d’utiliser le ON et non le JE car la salle frétillait et avait des envies de fuites. À force, on sent le mood général du public et ici, lui aussi aurait préféré aller promener son chien. Mention spéciale tout de même pour le propos et l’importance de ce dernier.
Point chant, néant,geen/10
When Evil Lurks de Demián Rugna
Ah, bah, voilà, vous voyez tout ce que je reprochais à Property ? Et bien, When Evil Lurks est tout le contraire.
Pedro et Jimmy entendent des coups de feu près de leur ferme, ils se rendent sur place et trouvent un corps humain coupé en deux et sacrément amoché. Se trouvant près de la cabane de Maria Elena, ils s’y rendent et se retrouvent face au fils aîné de cette dernière ; un amas de chair putride, gonflée, cloquée et possédée. Un coup de grosse panique plus tard, ils déplacent le corps du Possédé à quelque 300 kilomètres de chez eux. Vous la sentez la bonne idée, vous la sentez la décision sans qui rien n’arriverait, sans qui le film se finirait sur un exorcisme et un autodafé dans les règles de l’art ?
On sait que l’idée est pourrie mais pour autant, elle fait sens, elle est cohérente, premier point important.
Donc voilà le corps démoniaque qui disparaît dans la nature et nos bougres qui partent sauver femme et enfants comme ils peuvent et c’est là que tout s’emballe vraiment. La nature même du démon est qu’il transite d’un corps à l’autre, animal ou humain, que son odeur se dépose partout sur les objets à proximité de lui et donc peut se répandre rapidement et très efficacement et surtout, très sournoisement.
Disons-le très clairement, je suis très fan de ce film. L’aurais-je été autant si je n’avais pas vu avant Property, certes peut être un peu moins. When Evil Lurks arrive comme une délivrance, il remplit de bout en bout le cahier de mes propres charges. En premier plan, la cohérence des événements ; on ne passe pas son temps à se facepalmer en roulant des yeux face à l’idiotie des personnages et à leurs réactions. Tout tient debout.
Ensuite, le sang et le trash. Ces scènes nous saisissent avec un sens du rythme chirurgical. On les espère, on les attend, on sait qu’elles vont arriver et quand elles arrivent, c’est au bon moment avec la bonne dose de frissons, le bon cadrage, le bon cut et la bonne ambiance sonore.
Très vite, le film balaye la possibilité que le mal dont souffre le Possédé soit dû à l’utilisation des pesticides. L’intrigue prend place dans ce contexte compliqué et politique, on sait que les pesticides sont responsables de beaucoup de maladies graves cependant, ici, dans le gore du film, il n’est pas question de ça, il s’agit bel es bien d’un cas démoniaque. Cette volonté de ne pas rendre ambigus les événements apporte du poids et de l’implication de notre part dans le film. On s’accroche aux dialogues qui nous fournissent judicieusement des indices sur comment ne pas se faire choper par la bête et comment lui mettre une raclée.
Je dois confesser que je n’ai pas vu la fin pour cause de dernier métro à prendre. Et je pensais revenir le 20 pour me rattraper. Je vous garantis quand même que ma critique tient la route. Une bonne histoire n’est rien sans une bonne mise en scène. Ici, la mise en scène n’est pas seulement bonne, elle est efficace, juste et elle claque. Franche réussite et franc plaisir que ce When Evil Lurks.
Point chant le public du BIFFF n’a pas le rythme/10, on a apprécié le côté ludique d’accompagner le chanteur amateur en battant très faussement des mains. On a apprécié encore plus sa phrase : « Combattre l’extrême droite avec l’art ».