A partir de L’Impresario de Smyrne (1759) et du Théâtre Comique (1750) de Carlo Goldoni. Mise en scène et costumes de Laurent Pelly. Avec Natalie Dessay, Julie Mossay, Eddy Letexier, Thomas Condemine, Cyril Collet, Antoine Minne, Jeanne Piponnier et en alternance Raphaël Bremard et Damien Bigourdan. Du 19 janvier au 17 février 2024 au Théâtre du Parc.
Venise au 17ème siècle, un huit clos se dresse, d’un côté des chanteurs d’opéra en quête de gloire, d’un autre un mystérieux producteur venant de Smyrne qui souhaite les auditionner. En son centre et pour le plus grand plaisir du spectateur : un impresario retors jouant les marionnettistes. Les enjeux sont suffisamment grands pour que les égos s’en mêlent et que l’envers du décor tombe.
C’est sur la scène du Théâtre du Parc que l’épatante cantatrice Natalie Dessay signe son retour dans L’Impresario de Smyrne de Goldoni. Une mise en scène de Laurent Pelly qui régale par son décalage et son humour piquant.
Derrière le voile
Ténors, castrats, sopranes s’illustreront à coups de becs et de griffes afin d’obtenir les faveurs de ce mystérieux producteur étranger. Originaire d’une contrée lointaine, on le dit riche et il souhaite monter le plus grand opéra du monde. Face à une telle promesse d’opulence, les egos s’échauffent et les places sont chères. Pour celui qui souhaite gagner, il faut aussi soumettre. Dès lors tout semble permis : la jalousie, les coups bas et la manipulation. Chaque personnage n’obéit qu’à une seule règle: l’appât du gain.
La scénographie signée Laurent Pelly et Matthieu Delcourt fait écho aux motivations des personnages. On nous invite dans l’envers du décor, au propre comme au figuré. Face à nous, un énorme cadre doré à moitié enfoncé dans le sol surplombe la scène, c’est cet espace qui constituera le terrain de jeu des comédiens. Très vite, nous constatons également que l’ensemble des éléments présents sur scène sont soit de travers ou à moitié décrochés. Le contraste entre cette esthétique élégante et raffinée mais qui s’effondre et s’étiole illustre parfaitement l’idée que les apparences sont souvent trompeuses. Au risque de paraphraser la maxime, on nous illustre que tout ce qui brille n’est pas d’or et que les motivations des uns sont souvent le masque des autres.
Un contraste accentué par les costumes et le maquillage des comédiens. Ils sont grimés comme des personnages de la Commedia dell’arte mais au lieu de vêtements bariolés, ils sont habillés de noirs. Ils se déplacent parfois en groupe comme des rapaces ou des vautours.
En pleine lumière
La pièce parle des apparences et de la superficialité. En revanche, ce qui n’est pas feint, c’est le talent des artistes sur scène. Accompagnés d’un trio de musiciens (violon, clavecin, violoncelle), les comédiens et comédiennes nous ravissent par leurs performances drôles et habitées. Les chanteurs lyriques, quant à eux, nous régalent et nous transportent dans une dimension quasi éthérée. Yeux, oreilles, zygomatiques, tous nos sens sont sollicités avec intelligence et élégance.
L’Impresario de Smyrne est une belle parenthèse sonore et visuelle, qui conquiert grâce à son originalité et à son décalage. Un spectacle à apprécier également en famille afin de faire découvrir à la jeune génération la beauté de ces voix hors normes.