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    « La nuit chienne », une éducation au poil !

    Titre : La nuit chienne
    Autrice : Rachel Yoder
    Editions : Flammarion
    Date de parution : 3 janvier 2024
    Genre : Roman

    On connaissait la mère poule. Pas encore la mère chienne. Et laissez-moi vous dire que ces deux-là ne sont pas de la même espèce. La première adore couver. Mais la deuxième, elle, se sent directement domestiquée, quand un minuscule bout de chair braillard, nu qui plus est, lui sort de l’utérus.

    Au début, elle pensait qu’elle y arriverait. Qu’elle pourrait conserver le travail de ses rêves dans une galerie d’art, tout en allaitant à heure régulière dans la petite chapelle, non ventilée et baignée d’une lumière fluorescente, gentiment mise à sa disposition. Peut-être qu’elle pourrait le mettre à la crèche, ignorant le mépris avec lequel la puéricultrice lui annoncerait que son fils passe ses journées à pleurer sa mère, avachi sur le lino de la salle de jeu. Mais en fait, elle en est incapable. Incapable de savoir son enfant, seul et éduqué par des inconnus. Et puisque le travail de ses rêves ne paye pas aussi bien que celui de son mari, il paraît évident que c’est à elle d’abandonner sa carrière. Sauf qu’être mère à plein temps est une tâche ingrate qui ne laisse aucun répit et qui manque de valorisation. La colère ne tarde pas à poindre. Et plus elle bouillonne, plus le poil semble lui pousser. Il l’envahit. Sur le dos. La nuque. Alors que ses crocs s’acèrent et que son haleine se putréfie, elle se met à soupçonner les autres mères d’avoir gardé le secret. À quoi pourrait bien ressembler une meute de mamans ?

    Comme ce qui touche à la sphère domestique, la maternité se fait rare dans la littérature. Les choses de la petite enfance, quand elles sont considérées comme assez intéressantes que pour être racontées, le sont souvent avec la tendresse hypocrite de celui qui ne s’en occupe pas à plein temps.

    La nuit chienne se vend comme un livre profondément féministe. Et c’est vrai ; alors que son héroïne torche le cul d’une boule de larmes ingrate, Rachel Yoder secoue l’art des belles lettres. Elle ouvre une brèche dans l’univers de la fiction, où vient se lover la mère oubliée. Et je dis bien fiction ; pas question de l’inscrire dans une sorte de biographie de la maman moderne. Yoder entend toucher un lectorat qui n’a pas pour seul intérêt de pouvoir s’identifier au personnage principal. Il nous faut des péripéties. Du rebondissement. Du sang, bon dieu !

    Et c’est là qu’entre la mère chienne avec son appétit insatiable pour la viande rouge et ses manières douteuses. Elle traque les bêtes, dévore la chair et ronge les os. Elle lèche son petit avant qu’il ne rejoigne sa niche. Mais l’exploration canine de Yoder s’arrête là. Elle utilise l’animal dans sa dimension la plus attendue ; sans chercher à creuser sa race, son histoire, ses spécificités. Finalement, la transformation semble avant tout un prétexte pour faire de la maternité une fiction. Ou pire, pour délivrer un réquisitoire contre l’inertie paternelle. Dans La nuit chienne, l’homme est un fantôme d’indisponibilité qui traverse les problèmes du foyer sans y prêter attention. Il considère que sa journée de travail s’achève dès lors qu’il est rentré, sans s’imaginer que celle de sa femme n’a pas de fin. Yoder le rend uniformément et indéniablement détestable. Un peu trop. À l’image du récit, il manque parfois un peu d’étoffe. De chien.

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