Scénario : Virgile Dureuil, Sylvain Tesson
Dessin : Virgile Dureuil
Éditeur : Casterman
Sortie : 08 novembre 2023
Genre : Roman graphique
À coups d’adaptations, l’écrivain français le plus intrépide ne cesse de braver l’oubli. Cinéma, télévision, éditions illustrées. Et désormais, la bande dessinée vient gonfler la liste des médiums qui lui ont déjà servi. Presque vingt ans après sa publication, c’est, donc, sous la plume de Virgile Dureuil que l’Axe du loup renaît. Et avec lui, le livre d’un autre écrivain ; À marche forcée. En 2004, Tesson trouvait dans le très controversé récit qu’y avait fait Rawicz de sa fuite à travers la Sibérie pour rejoindre les Indes britanniques, une bonne raison (lui en faut-il vraiment ?) de se lancer dans une nouvelle aventure sur les routes de l’Asie centrale. Bien décidé à reproduire le douloureux périple du forçat au plus près de ses conditions originelles – comme il l’appelle by fair means, c’est-à-dire à pied, à cheval ou à vélo – Tesson embarquait alors dans un train direction Iakoutsk. C’est cette traversée des lacs russes aux massifs de l’Himalaya, en passant par l’aridité du désert de Gobi, que reproduit, non sans réalisme, Dureuil.
Manque d’originalité?
Au demeurant, on se demande ce qu’une énième adaptation de livre pourrait bien apporter au marché déjà saturé de la bande dessinée. Certains diront même que, profitant de la notoriété de Tesson, il pourrait faire de l’ombre à des œuvres plus originales. Car l’originalité n’est pas le principal atout de l’Axe du loup. Tout y est lissé, de son dessin classique et sans équivoque à l’organisation de ses textes, soigneusement tirés du livre et placés dans les encadrements prévus à cet effet. En matière de conformisme, une intelligence artificielle aurait difficilement fait mieux. Et pourtant, quelque part en chemin, on se laisse convaincre. Sa conventionnalité apporte un certain confort de lecture, pendant que son réalisme rend le périple tangible. Ses mers et ses montagnes s’offrent à nous, dans leurs couleurs, leurs odeurs et leur matérialité.
Pour les nostalgiques
Mais on se lasse parfois du discours de réciprocité dans lequel s’enferme Tesson. On lui reproche presque un certain manque d’humilité, lui qui compare son voyage effectué dans la paix et le confort – somme toute, relatif, vu les territoires qu’il traverse – qu’offrent les progrès en matière de camping à celui d’un homme qui, pour survivre, a dû fuir caché. Quand la route devient impraticable, l’écrivain et essayiste se permet quelques écarts, en bateau ou en tank militaire. À sa place, qui ne l’aurait pas fait ? À part quelqu’un qui n’en a pas la possibilité. Mais plus le trajet de Rawicz semble irréaliste, plus on devient tolérant avec ce pauvre Tesson qui, quand même, aura donné de sa personne pour son livre. Et pour nous dévoiler des secrets que seul un homme capable de vivre plusieurs mois en marge de la civilisation connaît. On fait la rencontre de l’union soviétique grâce à la mémoire de celles et ceux qui l’ont connue. L’Axe du loup, c’est, sous le sapin, pour un grand-père nostalgique d’une littérature française à la Jules Verne, qui ne se lasse pas de relire Tintin au Tibet. Ou simplement pour vous qui, pendant cette période gelée, rêvez d’aventures sans vous ruiner.