Titre : J’étais un enfant
Auteur : Arnaud Gallais
Editions : Flammarion
Date de parution : 4 octobre 2023
Genre : Témoignages
Arnaud Gallais est le père aimant d’un petit garçon de huit ans, un activiste pour la protection des droits de l’enfant, un homme de famille et un enfant victime d’inceste. Les statistiques rapportées dans son ouvrage sont glaçantes : un enfant meurt en France tous les quatre jours sous les coups de ses parents, 160 000 enfants sont victimes de violences sexuelles. 80% de ces violences ont lieu au sein de la famille. La question que pose Arnaud fait froid dans le dos : quand est-ce qu’on arrête le massacre ?
De quoi ça parle ?
Issu d’un milieu aisé, vivant sous le joug d’un père violent et tyrannique et d’une mère silencieuse, Arnaud Gallais va accumuler très jeune de nombreux traumatismes liés aux abus dont il a été victime. L’alcool étant le compagnon fidèle d’un géniteur raciste et méprisant, le jeune Arnaud va encaisser des coups d’une violence inouïe, lui entaillant le bras et lui noircissant les côtes. Des scènes douloureuses à lire tant on souhaiterait pouvoir arrêter l’engrenage.
Dans le même temps, à côté de la violence quotidienne implacable, un grand-oncle de la famille, un prêtre catholique va venir voler l’innocence. De son vice, il brisera un enfant de 8 ans par des viols répétés durant trois ans. Le disfonctionnement systémique familiale atteindra son paroxysme par un nouveau viol perpétré par deux cousins.
De récit autobiographique, J’étais un enfant est un livre sous la forme d’une justice à soi. Une réappropriation de la parole d’un enfant qu’on a voulu faire taire, qu’on a encouragé, forgé, élevé à subir. Un adulte dont la famille accepte la guérison mais sans trop faire de vagues.
Aussi paradoxale que cela puisse paraître, dans la plupart des récits, la victime d’inceste dérange, elle est marginalisée, fuie et mise à l’écart. Sa vérité dérange, parce qu’elle pousse les autres à s’interroger sur leurs propres responsabilités au sein de la cellule familiale. Le plus important n’est pas la réparation d’une enfance volée mais la stricte préservation du noyau familial qu’on protège à tout prix, y compris celui de l’innocence.
Face aux manquements des systèmes de protection de l’enfance, des manquements de la justice, Arnaud Gallais rédige un « J’accuse » digne d’un Zola, riche et dense, alimenté de nombreux rapports et statistiques relatifs aux violences intra-familiales. De militant, Arnaud s’est aiguisé comme une arme capable de faire face aux bourreaux et aux pédocriminels allant les apostropher jusqu’à la sacro-sainte Eglise catholique. Un combat qu’il souhaite mener jusqu’au bout même si le prix à payer est lourd. La tragédie des victimes réside aussi dans les conséquences physiques des traumas psychologiques. Le stress post-traumatique, les angoisses sont de lents poisons qui intoxiquent le corps.
Arnaud Gallais réussit l’exploit d’être solide dans sa fragilité, constant dans son combat et dans sa volonté absolue de sauvegarder l’enfance, de faire bouger les choses, d’aider à construire un monde dans lequel le mot violence et enfant ne seront plus jamais dans la même phrase.
Le point fort de la lecture
Dans ce récit, il est impossible de ne pas ressentir instinctivement de la compassion, de l’empathie, du respect pour Arnaud Gallais et pour la franchise et l’honnêteté avec laquelle il se livre sans tabou et sans fausse pudeur. Le livre qu’il nous délivre possède une écriture forte, fluide et impactante. Des frappes chirurgicales qu’il cadence durant tout le récit.
C’est un constat dur, rude mais nécessaire. Arnaud Gallais fait plus que narrer son histoire, il construit, il se bat pour que le politique en fasse un élément clef de son programme tant au niveau national qu’européen. Arnaud est un homme d’action, il veut que les choses changent et prennent actes. Le #metooinceste existe dans ce but, afin que les victimes d’inceste ne se sentent plus isolés ni invisibilisés. En espérant qu’après la phase du « Je te crois » viendra celui du « Je te protège ».
C’est un plaidoyer bouleversant, le combat d’une vie forgé dans une abysse de douleur et réapproprié sur l’autel de la résilience. Un ouvrage d’une rare puissance qui illustre la position d’un homme qui se bat, d’un homme clairvoyant, qui connait ses failles et ses démons, mais surtout d’un homme qui reste debout et qui sans l’ombre d’un doute, changera les choses.