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    « Vincent doit mourir » : s’évanouir, s’oublier et renaître

    Vincent doit mourir
    de Stephan Castang
    Thriller, Fantastique, Comédie, Drame
    Avec Karim Leklou, Vimala Pons, François Chattot
    Sortie le 22 novembre 2023

    Du jour au lendemain, Vincent se fait agresser sans raison par des gens qui tentent de le tuer. Avec son titre programmatique et son pitch de série B, Vincent doit mourir réussit déjà haut la main le pari pas si simple de susciter le désir. Dans un paysage cinématographique dominé par des franchises terrorisées par la prise de risque, la proposition originale de Mathieu Naert à l’écriture et Stephan Castang à la réalisation nous parvient comme un vent de fraîcheur. Elle semble par ailleurs s’inscrire dans un cinéma français revigoré par le genre, dont Acide de Just Philippot, à l’affiche actuellement, en serait une autre itération. Par un hasard amusant, il se trouve que Castang était l’un des acteurs de La Nuée, premier film de Philippot, qui creusait déjà ce sillon d’un cinéma en prise avec des phénomènes inexplicables lorgnant vers l’épouvante et l’Amérique.

    Baigné de références similaires, Vincent doit mourir semble à première vue hanté par la figure de John Carpenter, cinéaste américain de renom et auteur des cultissimes Halloween et The Thing. Mais c’est avec They Live, autre chef d’œuvre du maître de l’horreur dans lequel un homme découvre que le capitalisme est le fruit d’une invasion extraterrestre, que le film dialogue. Il partage avec lui un goût pour le mélange des genres, usant de l’ironie avec brio sans pour autant rien céder à cette atmosphère angoissante et paranoïaque – chaque individu croisé par Vincent pouvant se transformer subitement en agresseur acharné. Ainsi d’une scène où Vincent est attaqué par deux enfants enragés, dont le contraste entre l’innocence des corps et la violence qu’ils exercent produit un effet comique absurde, avant de basculer dans le malaise lorsque l’agressé se retrouve contraint de repousser ses oppresseurs à coups de poings. Le film navigue de la sorte entre les registres avec agilité, sachant toujours relancer notre intérêt par un détour inattendu vers un territoire de fiction inédit.

    Fort heureusement, le cinéma outre-Atlantique n’est pas le seul horizon du film de Castang, et la force de Vincent doit mourir réside également dans son ancrage bien français. On salue à ce titre le casting des seconds rôles, particulièrement bien choisis, qui ramène le film vers un réel ordinaire, celui de la France provinciale, qui sert de cadre à l’intrigue. En partant se mettre au verre pour échapper à la violence, Vincent visite la campagne reculée, ses diners d’autoroute, ses bars alternos – son ennui aussi. Sa rencontre avec Margaux, femme sans le sou et marginale habitante d’un bateau, interprétée avec l’instinct et la physicalité qui caractérisent Vimala Pons, le conduira à abandonner ses repères pour mieux retrouver ses fondamentaux, et, finalement, se reconnecter à lui-même. A ses côtés, il comprendra qu’il est vain de chercher un sens à la violence qui sévit autour de lui, puisque ce mal est déjà conjuré par le lien qui se tisse entre-eux deux. Le cœur du film est peut-être là : dans ce couple mal assorti et bancal, titubant péniblement jusqu’au rivage pour enfin larguer les amarres, et quitter pour un temps la douleur de notre solitude contemporaine.

    Arthur Bouet
    Arthur Bouet
    Journaliste

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