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    « Le Consentement », quand la littérature rencontre une limite

    Le Consentement
    de Vanessa Filho
    Drame, Biopic
    Avec Jean-Paul Rouve, Kim Higelin, Laetitia Casta
    Sortie le 11 octobre 2023

    À 13 ans, Vanessa tombe sous le charme de l’auteur à succès Gabriel Matzneff. Des charmes interdits quand on sait que cet homme est un quinquagénaire connu pour ses relations avec de très jeunes enfants qui font l’objet de sa réputation littéraire. À Paris, en 1985, personne ne se soucie de tels propos, Matzneff est admiré et respecté autant dans son cercle d’amis proches que par l’intelligentsia française. Vanessa Springora est l’une de ses proies littéraires parmi beaucoup d’autres. C’est l’histoire de deux corps qui n’auraient jamais dû se rencontrer, une histoire tempête aussi portée par la vision de la mère ou des camarades de classe impuissants face à la réalité. Après le trouble de ce qui apparait tout de même comme une relation intense, et qui a inévitablement marqué l’avenir de la vie relationnelle de la jeune fille, celle-ci décide de mettre fin à cette chasse pédophile en attrapant le chasseur à son propre jeu.

    Une fine équipe

    Jean-Paul Rouve, Laetitia Casta, deux visages bien connus des spectateurs, deux personnalités qui continuent de nous impressionner. Laetitia Casta tient son rôle de mère à cœur, même en dehors des frontières du cinéma. Elle n’hésite pas à dévoiler dans ses interviews récentes des mauvaises expériences qu’elle a connues par rapport au consentement, par exemple face au réalisateur Harvey Weinstein. Elle explique aussi l’importance de montrer ce film, notamment dans les écoles, car le mal sous-jacent dans la relation pédophile s’attaque aussi bien aux parents qu’aux enfants. Pour Jean-Paul Rouve, c’est une responsabilité que de porter le rôle du méchant quand on sait que cet auteur d’une cinquantaine d’ouvrages est toujours libre d’écrire (son dernier livre, Vanessavirus, en réponse au récit Le Consentement, est sorti en 2021). Aussi, c’est une posture particulière du méchant-tendre qui demande un jeu pervers sincère, une position délicate à prendre. Dans le rôle central, on découvre la jeune Kim Higelin. Bien que le personnage de Vanessa reste réservé de nature, la sensibilité de l’actrice suffit à transmettre l’émotion. Malgré une histoire terrible, c’est un plaisir de la voir à l’écran. Sur deux heures de film, on est attentif au moindre jeu d’expression jusqu’à la découvrir entièrement au fur et à mesure que le film se déroule. En bref, on salue le casting d’avoir porté cette histoire avec autant de sérieux. On retient également le choix de Vanessa Filho de travailler avec Guillaume Schiffman, directeur de la photographie française, qui apporte un travail sur l’image cohérent avec l’époque et l’ambiance du récit.

    Un récit autobiographique

    En 2020, Vanessa Springora sortait son roman Le Consentement dont la motivation première est un véritable besoin d’écrire et de soulager. Sans censurer aucune émotion ou action alors vécues comme des marques indélébiles forgées dans sa mémoire, elle a tout de même fait le choix de ne jamais écrire le nom du coupable en entier dans le récit. Aujourd’hui, cette histoire sortie au grand jour, après plus de 325.000 exemplaires vendus et plusieurs traductions, c’est la voie du cinéma qui s’en empare et va jusqu’au bout des accusations. Vanessa Filho fait le choix de respecter le récit. On retrouve donc fidèlement en images ce que la victime a livré à la littérature quelques années plus tôt. Le point de vue autobiographique du récit est essentiel, il soulève toute l’importance du propos. Il répond également à un manque général de visibilité sur le problème de la pédophilie, d’autant plus quand on sait que Matzneff a fait énormément d’autres victimes, qui resteront à jamais anonymes. La collaboration entre l’auteur et la réalisatrice nous semble capitale, et paradoxalement rassurante, dans le sens où le spectateur se doit de saisir l’importance ici d’un témoignage.

    La pédophilie banalisée

    Si le film soulève plusieurs problématiques, c’est parce que l’histoire même entre Matzneff et Springora est un exemple simple de divers thèmes complexes. Tout d’abord, et surtout, on y retrouve le sujet de la pédophilie banalisée, et pourtant véhiculée par les médias depuis des décennies. C’est d’ailleurs tout l’enjeu de la dimension choquante de ce récit. Grâce à la littérature, à la télévision et autre, Gabriel Matzneff sévissait non sans visibilité, mais pourtant en toute impunité. Ce n’est pas pour rien que Vanessa Springora répond de son vécu par le biais littéraire, non seulement c’est une réponse exacte au moyen utilisé par son agresseur, mais c’est aussi une puissante solution de calmer une blessure. D’ailleurs, c’est un regret que nous avons par rapport au film. Si le livre de Springora est un témoignage intime, le film attaque davantage la position de Matzneff en étouffant légèrement le ressenti de la victime, beaucoup plus développé dans le récit autobiographique. Ce qui nous amène aussi à interroger les limites de la littérature, autant dans ses avantages que dans ses inconvénients. Actuellement, les ouvrages de Matzneff ne sont plus commercialisés, mais ils auraient dû créer l’alerte dès leurs parutions. Pour finir, le film nous montre un accéléré des faits. Si nous ne savions pas que cette histoire tenait de la réalité, nous aurions peut-être du mal à comprendre comment une jeune fille peut aussi vite être prise au piège. Là ne semble pas être l’importance du scénario, certes la mise en contexte compte, mais les conséquences apparaissent bien plus clairement. Peut-être un désir de la réalisatrice de laisser plus de temps de parole aux victimes qu’aux bourreaux…

    Le Consentement est autant un travail courageux de mettre en lumière des aspects violents de notre époque, qu’un encouragement à poursuivre encore et encore ces thématiques dans un devoir de conscience, mais aussi de mémoire.

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