De Laurence Bastin, mise en scène de Patricia Ide, avec Laurence D’Amelio. Jusqu’au 21 octobre au Public.
C’est à partir d’une dizaine de témoignages que Laurence Bastin nous forge un texte vrai et percutant sur le cancer du sein. Pas le temps de tergiverser, de prendre des pincettes, il s’agit d’aborder un sujet qui nous affecte ou effleure notre vie d’une manière ou d’une autre. Le crabe est dans notre entourage et nous touche autant que les femmes autour de nous. Nous entrons dans le « vif du sujet » sans détours, avec la même animosité que la vie. Il n’y aura pas de cadeau, à part ce spectacle qui est un vrai bijou.
Laurence D’Amelio campe une femme percutée en pleine poitrine qui évoluera dans un monde où les seins sont partout et pourtant cachés comme une honte ou le poids d’une société. La comédienne nous prend par la main pour nous faire vivre l’atrocité de l’annonciation, du traitement, de l’opération, du regard des autres, du regard de soi, du jugement, de l’après, du souvenir, du deuil ou encore de l’acceptation. Elle se confie dans le blanc des yeux d’un public qui savoure ses paroles avec autant de curiosité émue que de rires compatissants.
Les mots font mal parce qu’ils sont vrais, les mots font peur parce qu’ils ont été entendus et vécus. On sait que les réactions du monde qui entoure le personnage sont aussi choquants que véridiques. Et c’est peut-être leur véracité qui révolte le plus. Pourtant, on se surprend à avoir déjà eu ces réflexes, ces comportements, ces réponses qui se voulaient doux et bienveillants. Mais comment réagir dans ces moments-là ?
La pièce n’est pas un guide du comportement à avoir, il est plutôt une exposition poétique et délicate de ce que peuvent ressentir ces femmes face au gouffre du cancer. Le bouleversement d’un quotidien qu’on pensait inébranlable. Avec toujours ce questionnement inévitable du « pourquoi moi ? ». La vie est déjà si compliquée, pourquoi doit-on y ajouter les méandres d’un mal-être qui dévorerait une partie de nous ? La perte d’une partie physique et mentale de notre corps.
Cette pièce de théâtre est également une ode aux seins des femmes. Ces trésors qui ont voyagé à travers les âges, les sociétés et les mœurs. Mais comme souvent, ce qui appartient aux femmes est supervisé par les hommes. Elles ne peuvent pas choisir comment pourra vivre une partie d’eux-mêmes dans leur propre vie. L’apparence sera également déterminée par le regard masculin si oppressant et irrationnel. Nous allons le vivre par un discours fort et poignant.
Une mise en scène dynamique entre le stand-up et la confession intimiste. Nous sommes invités par le personnage incarné par Laurence D’Amelio dans son appartement, dans sa vie et son intimité. Et nous allons découvrir l’évolution de la perte d’un sein avec émotion. Le reflet de tous les témoignages se ressent à chaque scène.
Le public finit touché et conquis en standing ovation, mais le plafond de la Petite Salle étant trop bas, ce sera assis que les applaudissements se prolongeront pendant de longues minutes pour faire revenir la comédienne pour saluer six fois. Et ce sera totalement mérité. Une belle première représentation qui donne le ton de cette nouvelle saison au Public.