Mission Impossible : Dead Reckoning, partie 1
de Christopher McQuarrie
Action, Espionnage, Aventure
Avec Tom Cruise, Hayley Atwell, Ving Rhames
Sortie le 12 juillet 2023
Ethan Hunt est de retour. Cette fois-ci, il est à la poursuite d’une mystérieuse clé donnant accès à l’Entité, une intelligence artificielle garante pour son détenteur d’un pouvoir de domination absolu et mondial. Un film en demi-teinte, qui laisse apercevoir malgré tout la possibilité d’un renouveau.
Dans le vaste corpus des Tom Cruise movies, la franchise des Mission Impossible est sans conteste l’objet le plus fascinant. Il faut dire que la série de films centrée sur les exploits de l’agent Ethan Hunt est la saga de tous les superlatifs : en sept films et cinq réalisateurs (dont Brian de Palma, John Woo et Brad Bird, tout de même), la franchise a rencontré un succès critique et commercial planétaire, totalisant pas moins de 3,4 milliards de dollars de recette. Fort d’un tel palmarès, on est en droit de se demander ce qu’il peut bien rester à accomplir à Tom Cruise, qui, en plus d’être la star de la série, cumule une casquette de producteur depuis le premier volet.
Troisième opus réalisé par Christopher McQuarrie, Mission Impossible : Dead Reckoning, partie 1 joue la carte de la sécurité. Après six épisodes et autant de variations autour du noyau Hunt – d’abord seul, par la suite en équipe, avant d’en être un temps séparé, puis réuni à nouveau, et, finalement, rallié par de nouveaux personnages -, ce film semble plus que jamais se reposer sur ses acquis. S’il faut reconnaître que les ingrédients de base de la saga Mission Impossible que sont faux-semblants, courses effrénées et cascades hallucinantes forment une prodigieuse machine à émerveiller, force est de constater que cette ultime livraison marque un peu le pas, et sa scission en deux parties n’y est probablement pas étrangère. Parfois lent et fastidieux dans son déroulement, l’intrigue, qui tient pourtant sur un ticket de métro (Ethan Hunt cherche une clé), alourdit l’ensemble et temporise inutilement les morceaux de bravoure. Même le fameux saut à moto, promesse d’une spectaculaire séquence exécutée comme toujours par Cruise en personne, et autour duquel la promotion du film s’articule, souffre d’un découpage confus, visiblement à la peine pour raccorder tous les personnages au fil de l’histoire.
Par ailleurs, embarquée depuis bientôt trente ans dans une logique de surenchère perpétuelle pour renouveler l’intérêt du spectateur, la saga semble atteindre ici un point de non retour quant à son devenir carte postale. Rarement les destinations faisant office de décors n’avaient semblé si peu investies, en témoigne une scène de poursuite en voitures sur les escaliers de la place d’Espagne, à Rome, qui accueillaient très exactement une scène en tous points similaire il y a quelques semaines dans Fast X.
Néanmoins, face à l’essoufflement compréhensible de ce vénérable monument cinématographique, un élément nouveau se fait jour : la conscience de son obsolescence. Opportunisme ou coup de génie, il n’est pas anodin que l’un des derniers films d’action « à l’ancienne » (entendre, un film sans super héros, tourné en décors réels) s’organise autour d’un antagoniste littéralement dématérialisé, intelligence artificielle surpuissante capable d’anticiper les moindres mouvements du héros qu’elle combat. Il y a là quelque chose de profondément touchant à voir un acteur vieillissant tenter désespérément et sans relâche d’échapper au scénario prévu par l’IA omnipotente, refusant jusqu’au bout d’admettre l’évidence terrible à laquelle il devra se soumettre in fine : sa mort. Une fois n’est pas coutume, c’est dans sa dimension méta-textuelle que Mission Impossible passionne : la puissance cinétique de la fiction orchestrant la mise à l’épreuve du corps de Tom Cruise l’acteur, elle occasionne au passage un formidable vertige quant à l’angoisse bien humaine du temps qui passe et de notre finitude. Malgré un résultat inégal sur le plan dramatique, cette mélancolie nouvelle qui semble poindre tout doucement alimente l’espoir d’un retour à l’humain. Un défi de taille pour cette saga qui n’a eu cesse d’en repousser les limites.