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    Décor et des corps. « Le Syndrome des amours passées », la modernité dans le fond et dans la forme

    Le Syndrome des amours passées
    d’Ann Sirot et Raphaël Balboni
    Comédie, Fantastique, Drame
    Avec Lucie Debay, Lazare Gousseau, Florence Loiret-Caille
    Sortie le 20 septembre 2023

    Il est tout à fait normal que, dans ses premiers instants, Le Syndrome des amours passées puisse laissé songeur, voire dubitatif. Deux éléments viennent bouleverser un naturalisme coutumier des films francophones. Premièrement, bien que le film n’adopte pas un ton habituel de comédie, son élément déclencheur relève de l’absurde : si Rémy et Sandra, malgré toute la bonne volonté du monde n’arrive pas à concevoir d’enfant c’est parce qu’il souffre du syndrome des amours passées. Ledit syndrome a un remède simple : les deux conjoints doivent coucher à nouveau avec tous leurs partenaires sexuels. Cette panacée, Rémy et Sandra la trouve, certes, radicale, mais l’accepte sans la remettre en question. De quoi nous lancer dans une fresque tout aussi extravagante à laquelle on accordera le plaisir du divertissement sans pour autant en tirer quoi que ce soit sur notre rapport au monde ?

    Pas vraiment. Pas vraiment du tout, même. D’une part, les ex croisés tout au long du film sont, finalement, assez vraisemblables. Oui, parmi eux se trouvent bien quelques énergumènes loufoques, voire complètement barrés, mais leur présence minoritaire dans ce paysage d’ex est, d’une part, contrebalancée par l’existence de personnages tout à fait normalisés. Mais aussi, nous rappellent qu’au milieu des relations traditionnelles qui font nos vies, ils s’immiscent auprès de nous, quand ces énergumènes loufoques ne sont pas, carrément, nous-mêmes. On est tous l’énergumène loufoque de quelqu’un d’autre.

    Ensuite, et c’est peut-être là le plus important, le film propose un véritable questionnement sur les deux socles de notre civilisation : le Couple et la Famille. En devant déconstruire le premier pour atteindre le second, c’est tout une éducation que Sandra et Rémy doivent mettre en perspective. En Occident, la monogamie reste la vision normalisée du couple. Cependant, le mythe de l’unique partenaire nous accompagnant la vie durant n’est plus. Pour une immense majorité d’entre nous, ruptures, divorces et familles recomposées sont un quotidien, peut-être effrayant, peut-être salvateur, mais tout du moins bien réel. Ainsi, la non-monogamie sur le temps long s’est tout à fait démocratisée pendant qu’à l’intérieur des relations, après la précédente et avant la suivante, la norme reste l’exclusivité, aussi bien sexuelle que sentimentale.

    En devant « aller voir ailleurs » tout en voulant continuer de s’aimer, les deux protagonistes avancent par essai-erreur, apprennent à mettre leurs limites, à communiquer sur leurs désirs, leurs besoins, leurs désaccords, à repenser leur conception de la fidélité, du sexe et de l’amour. Ann Sirot et Raphaël Balboni proposent leurs visions de la modernité au sein du couple autant avec leur duo de protagonistes qu’avec des personnages secondaires qui sont de véritables variations du thème, chacun déconstruisant ou ayant déconstruit ce diktat de la monogamie hétéronormée et cette injonction à la parentalité.

    Second élément venant bousculer le spectateur, élément beaucoup plus visible que le premier, les décors. Une grande partie de ceux-ci sont naturalistes mais çà et là, se glissent des cadres tout à fait oniriques et artificiels comme on en trouvait déjà dans le précédent film des réalisateurs : Une vie démente. Le meilleur exemple est sûrement la pièce où le couple dresse leurs listes d’ex. Un pièce vide, aux murs blancs, à l’enduit âpre et aux angles arrondis où des loupiotes scintillent au-dessus des polaroïds de celles et ceux qui ont, d’une certaine manière, marqué la vie des protagonistes. Un espace mental plus que physique qui chapitre la quête des personnages. C’est aussi de cette manière que nous sont montrées les scènes de sexe. Assez fréquentes au regard du thème de film, elles ne sont pas oniriques afin d’éluder une nudité bien visible mais pour représenter les sensations et les émotions des personnes impliquées. L’important, ici, n’est pas la sexualité en tant qu’acte mais en tant que symbole, ce qu’elle peut représenter, comment elle est vécue.

    En somme, Le Syndrome des amours passées se passe d’étiquette, tout comme ses personnages. Ce n’est pas une franche comédie, ce n’est pas un drame tire-larme mais un film éminemment moderne mettant en scène la vraisemblance de nos relations dans un cadre artificiel. Un mélange de beau et de vrai, de drôle et de touchant, parfois surprenant et toujours intelligent.

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