Texte de Marie Darah. Direction d’acteur(trices) de Laure Chartier. Mise en scène collective. Avec Marie Darah et la multi-instumentiste Cloé du Trèfle. Du 30 mai au 2 juin 2023 au Rideau de Bruxelles.
En 2020, Marie Darah se retrouve yeux dans les yeux avec le canon d’un revolver. Que le jeune homme qui le tient appuie ou non, sa vie changera du tout au tout. Si la slameuse est encore là pour nous raconter son histoire, on se doute de la suite des évènements. On se doute aussi de la rudesse des mois qui ont suivi et qui ont aboutis, avant que ce spectacle ne soit, à un livre, un texte voué à devenir du slam mais qui, à ce moment-ci, n’est qu’une thérapie par les mots…et le début d’une belle histoire.
Ce texte qui nous est raconté en musique, c’est un mélange assez intriguant entre un poème à Bruxelles et une ode à la vie. Comme un électrochoc, une réanimation qui pousse inconsciemment l’artiste à regarder la société qui l’entoure avec un œil nouveau, avec l’œil de quelqu’un qui commence une nouvelle existence et qui se questionne. Pourquoi ça m’est arrivé à moi ? Pourquoi à ce moment-là ? Mais surtout, pourquoi ça lui est arrivé à lui ?
A l’instar de l’excellent Je verrai toujours vos visages actuellement en salles, Depuis que tu n’as pas tiré questionne ce rapport victime-agresseur en y répondant beaucoup plus subtilement qu’avec l’image basique du méchant loup dévorant le candide agneau. Le problème se veut systémique : pauvreté, violence et désespoir se renvoyant l’un à l’autre dans un savant cercle vicieux opposant en bout de chaîne des opprimés contre des opprimés.
Alors oui, tout n’est pas réussi. Et l’assumé naïf utopisme côtoie le cru qui donne envie de se lever de révolte, le résultat maladroit d’une recherche artistique côtoie des fulgurances de plumes qui donnent envie de se lever d’admiration. Le tout sur une bande son hétéroclite tantôt émouvante, tantôt faisant bouger la tête, tantôt n’étant que les sons d’une Bruxelles qui devient un personnage à part entière de cette histoire. Potentiellement même, le personnage principal de cette histoire tant la capitale européenne est décrite. Vantée pour son humanité, son interculturalité, Bx n’est pas épargnée pour sa politique et les quelques anecdotes sur le Palais de Justice et Saint-Gilles rappellent que la ville n’est que le reflet de la société dont elle fait partie : un monde se divisant en deux, ceux qui ont un pistolet chargé et ceux qui creusent.
Depuis que tu n’as pas tiré est un coup de gueule d’une honnêteté profonde qui ne blâme pas ingénument les comportements des individus mais qui les remet en perspective. En perspective d’un système liguant les faibles contre les faibles, d’un système divisant pour mieux régner. Un discours fondamentalement politique au sein d’une pratique artistique naissante qui préfigure aussi bien le combat que la recherche de toute une vie.