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    Alice d’Ahmed Ayed : une plongée dans les sombres abysses du Pays des Merveilles à l’Atelier 210

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    Adaptation et mise en scène de Ahmed Ayed avec Alicia Frochisse, Jean-François Maun, Mathilde Mosseray, Baptiste Moulart, Camille Sansterre, Gaël Soudron

    Du 7 octobre au 25 octobre 2014 à 20h00 à l’Atelier 210

    Si vous alliez au théâtre en étant sûrs de ne pas trouver, contrairement au cinéma, de l’horreur sur scène, voilà une pièce qui vous fera désormais approcher de manière plus circonspecte les institutions dramatiques. Car, cette affiche acidulée (dont seul le L renversé révèle la subversion) vous mettrait dans l’attente invariablement déçue d’un lumineux Pays des Merveilles alors qu’ici, l’antre du Lapin Blanc ne mène qu’à un enfer psychiatrique.

    Alice n’y est plus cette jeune fille inconséquente de jeunesse à qui survient des événements qui, s’ils sont perturbants, ne sont jamais vraiment menaçants. Elle vague, quasi clocharde avec ses habits noirs de crasse et ses cheveux emmêlés, dans un hôpital que sa folie schizoïde anime de délires inquiétants. Au cours de cette déambulation angoissante, elle découvre, effrayée et étonnée tout à la fois, sans jamais parvenir à revenir à une réalité rédemptrice, de nombreux individus : dodos sur béquille, cœurs vivants, mère-oiseau se livrant à l’infanticide…

    Car, dans cet asile, la mort guette tandis que rien ne suit l’ensevelissement de la chenille dans son cocon qui parait n’être que cercueil, et s’il est donné au Lapin Blanc une autre vie, il portera sur son cou les stigmates de la Reine Rouge et une terreur incessante au cœur battant tout au long de la pièce.

    Pour ce spectacle, Ahmed Ayed fait donc le choix de prendre à la lettre les mots du chat du Cheshire : c’est un monde de fou furieux et dangereux, au rang desquels même le Chapelier Fou et le Lièvre de Mars ne paraissent qu’enfants de chœur perturbés, qu’il nous présente ici.

    Dans cet univers hallucinatoire, les mères sont particulièrement sujettes aux accès de folie, laissant croire que c’est le rapport à celle qui lui a donné naissance qui a mené Alice par delà la raison. Le sang en effet semble le disputer au lait maternel, ainsi les personnages de la Duchesse, de la mère-oiseau et surtout de la Reine Rouge, dont la menace plane tout le long de la représentation, se présentent comme des figures maternelles fatales pour ce qu’elles considèrent comme leur progéniture.

    Malgré des comédiens époustouflants, des décors quasiment mouvants ainsi qu’une mise en scène spectaculairement ingénieuse et propre à faire surgir une véritable esthétique visuelle, l’histoire n’emballe pas. Sans doute l’interprétation d’Alice comme n’étant qu’un récit de cas psychiatriques ainsi que la noirceur de celle-ci limitent la portée originelle du récit de Lewis Caroll qui nous semblait si riche tandis qu’il portait aux nues la folie de l’enfance, douce et créatrice, loin de ce qui nous est présenté dans cette pièce.

    Quoi qu’il en soit, c’est peut-être une chance de ne pas avoir été happés par ce spectacle où vous et moi aurions pu être cette Alice à l’identité morcelée au point de ne presque plus se rappeler son nom. Ainsi au moins avons-nous pu protéger notre santé mentale en échappant au regard ensanglanté de ce pauvre Lapin qui n’a plus de blanc que son nom…

    Nassima Cherke
    Nassima Cherke
    Journaliste du Suricate Magazine 1500 dollar loans online.

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