D’Emmanuel De Candido et mis en scène par Olivier Lenel. Avec Benoit Van Dorslaer, Hakim Louk’man, Nadège Ouédraogo. Du 4 avril au 8 avril 2023 au Théâtre des Martyrs.
Agriculteur, marchande, opposante, gouverneur, banquier, la lumière des néons LED illuminent ces appellations, pointant du doigt les fonctions sociales que l’on attribue aux citoyens et dont leurs interactions sont teintées. Clairement définis pour que toute ambiguïté soit levée, la scénographie permet au spectateur de ne pas faire erreur sur les protagonistes que les comédiens interprètent à tour de rôle, en théorie. Ce décor minimal d’Arnaud Verley inspiré de la BD Aya rappelle également le structuralisme métallique et sombre de Dogville ; la bande sonore par Milena Kipfmüller et Klaus Janek l’atmosphère du thriller anglo-saxon avec comme leitmotiv de fond la notion complexe de dette.
Les voyages nourrissent le texte, non par goût pour une tendance cosmopolite, mais par les différentes vibrations narratives qu’ils provoquent : Sicile, Congo, Ile de la Réunion ou encore Belgique sont convoqués par Emmanuel de Candido créant un espace-temps imaginaire qui demande au public un travail d’ajustement et d’imagination. Le corps du comédien, figure parfois stéréotypée, se place sur une place de village allégorique dont le rythme est marqué par les règlements de compte et les marchandages retranscrits dans de petites saynètes. Les apartés avec le public nous impliquent en tant que citoyen, car le théâtre est l’occasion de mettre en valeur notre libre-arbitre et nos fonctions individuelles, ce parti-pris nous extrait d’une position passive et souligne comment notre attitude influe sur ce tableau vivant. Le système circulaire que le titre introduit, évince l’horizontalité – égalité impossible – ou la verticalité – hiérarchie capitaliste – pour dessiner un cénacle tantôt froidement réaliste, tantôt métaphysique.
Les échanges crus n’autocensurent pas la violence que les metteurs en scène dénoncent, ils se font empreintes du déni et de la honte d’une société viciées en soustrayant aux relations humaines l’amitié, la solidarité ou la romance. C’est seulement dans le monologue final, porté vaillamment par Nadège Ouédraogo, qu’une lueur d’amour pointe, mais celle-ci est accompagnée de pessimisme et de rancœur suscités par l’iniquité ambiante. Ainsi, la damnation remplace l’hommage, le deuil, la naissance et la cruauté, l’empathie en mettant au-devant de la scène la stérilité des négociations où l’humanisme semble absent. Ces redevances sont incarnées par trois acteurs convaincants dont les tonalités hétérogènes réunies portent les fragments d’un récit universel où l’honneur et l’espoir possible se font discrets mais existent : pas de clôture brutale, mais une ouverture originale et immersive.
Défendre les utopies, c’est être pragmatique, depuis les alcôves du pouvoir économique, central et invulnérable, son étroitesse pousse le peuple à appuyer ce prisme. La mise en scène de La Ronde Flamboyante trahit les faiblesses de ce modèle en adoptant quelques codes du théâtre classique avec de longues déclamations dans le registre du pathos. La rhétorique discursive procède, à différents niveaux, à la fois à une universalisation et à une appropriation du conte villageois. Cette verve dramatique est contrebalancée par des notes d’humour qui allègent la construction d’une parabole cruelle dans un final évoquant celui d’un rituel congolais, dansant et prophétique.