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    Prélèvements de l’environnement hors-contexte, Roni Horn et Danh Vo exposent à la galerie Xavier Hufkens

    Deux expositions sont présentées à la galerie Xavier Hufkens. Recent drawing de l’artiste américaine Roni Horn, déjà exposée plusieurs fois dans ces lieux, présente ici trois nouveaux corpus d’oeuvres.  Une installation in situ de l’artiste conceptuel danois Dan Vo vient compléter l’exposition.

    Quotidien stratifié avec Roni Horn

    Recent Drawing déploie plusieurs dessins de Roni Horn, artiste américaine, dans la vaste galerie de le rue St Georges : au rez-de-chaussée les mots se chevauchent, la forme rectiligne d’usage est soustraite pour laisser place à des écrits sibyllins avec Wits’ End Mash (2019). Au sous-sol les douces couleurs des aquarelles de Frick and Fracks (2018/2022)  s’éprouvent en nuance d’embryons, flottant dans une sphère cosmique. Au premier étage Red Figure (2022) présente plusieurs œuvres mêlant esquisses, photographies et mots. Matière textuelle, caryotypes et collages mémoriels dressent un ensemble dont le caractère énigmatique se propage dans trois pièces lumineuses.

    Roni Horn, Screaming. Photo : Tom Powel

    Le spectateur est libre de retracer subjectivement ce puzzle qui éclate par bribes des éléments visuels et mentaux du quotidien. À la fois candide et loufoque, l’approche calque sur la réalité une matérialité confidentielle que l’on tend à rendre public sans en divulguer les codes de lecture. Une ellipse qui pourrait cacher une complexité sous-jacente comme une sereine sobriété. Cette facture s’inscrit dans le sillage des cartographes qui recomposent le monde sur une surface plane, l’altimétrie se fait esquisse. 

    Le script graphique produit un langage universel, véhicule d’un art temporel : il nous projette vers les traces d’un passé nébuleux comme un jeu de cartes aux illustrations usées, mais à la charge symbolique renforcée par un vécu tangible. Ces moments capturés paraissent, de prime abord, anecdotiques, mais l’impulsion multidirectionnel qu’ils propagent par leur mise en parallèle nous pousse à les creuser du regard et à les activer psychiquement. Si le quotidien le plus concret se teinte ici de fantastique, ce n’est pas par l’adjonction de quelques effets, mais plutôt car l’évidence ne surgit pas d’elle-même : dans un double processus d’identification, Le papier sert de repoussoir à une facilité figurative pour animer intimement les couleurs et les traits de crayon. 

    Roni Horn, An Octopus Escaped 2. Photo : Tom Powel

    Les végétaux s’auto-exposent avec Danh Vō

    Parallèlement, l’artiste conceptuel danois, Danh Vo, jouit également du lieu spacieux pour présenter ses installations In-situ. Il choisit de laisser le visiteur libre de sa propre analyse en ne fournissant aucun cartel, nous épargnant l’effort de lecture que nous avons fourni pour Horn. C’est donc sans appuis contextuels que nous sommes amenés à convoquer nos propres philosophies face aux pièces dont toute trace de truculence est extorquée. Également sur plusieurs niveaux, son cabinet de curiosité sauvage pose une dichotomie entre contenu et contenant et entre exposé et exposant.

    Les installations végétales épousent l’architecture comme des plantes ponctueraient le parcours d’un jardin botanique. Elles s’offrent à notre regard tels des reptiles dans un vivarium, à la différence qu’elles semblent à la fois libres de s’extraire des bocaux et contraintes de rester à leur côté, en connexion avec des propos tenu par Vō qui parle de “commencer dans la limite du cadre”. Il enclenche nos imaginaires bucoliques par des captations de l’environnement naturel qui s’expriment de façon circulaire et tout aussi mystérieuse que l’artiste précédent. Distillées sur des socles ou à même le sol, les ramifications arborescentes jouent avec nos référents qu’ils soient classiques ou contemporains et dialoguent avec l’énigmatique statue de bois qui nous tourne le dos de toute sa hauteur. Cette découpe de l’espace exprime la poétique organique aussi subtilement qu’Horn dévoile sa prise graphique sur sa réalité. 

    Portrait Dan Vo, 2023 Courtesy of the artist and Xavier Hufkens, Brussels Photo credit : Aurélien Mole

    La biologie, n’étant pas dépourvue de temporalité, et les souvenirs de racines, c’est la manière de les nouer en parallèle qui fait naître dans le lieu d’exposition des réflexions symbiotiques. Deux artistes qui nous ouvrent les portes d’une intrigue personnelle dont les secrets se délieront selon nos sensibilités individuelles.

    • Où ? : Xavier Hufkens 6, Rue St Georges, 1050 Bruxelles
    • Quand ? : du 6 mars au 6 mai 2023
    • Combien ? : Entrée libre

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