De Leslie Mannès, Thomas Turine et Vincent Lemaître aux Écuries de Charleroi danse, vendredi 3 mars à 18h et 20h30, du 21 au 24 juin au Théâtre Varia à Bruxelles.
En préambule, passage obligé par le vestiaire histoire de se débarrasser de sacs, manteaux et autres gros pulls. Chacun se voit également confier un sac-banane muni d’un code couleur dont émerge une paire d’écouteurs. Une fois équipé, le groupe descend un escalier pour se retrouver dans une salle en longueur flanquée d’une bâche colorée par des projections lumineuses.
Dans les écouteurs, une voix (enregistrée) nous présente les accompagnateurs. « Nous allons expérimenter notre pratique de la danse », prévient-elle. Le dispositif audio est destiné à nous mettre en mouvement dans une chorégraphie collective et la voix nous invite à faire confiance à notre interprétation. Tous les gestes sont bons, il n’y a pas d’erreur possible. « Déposons nos histoires de la journée, respirons et oublions. »
Quittant le sas, le groupe se déploie naturellement dans la grande salle, débarrassée de ses gradins, où se trouvent, ça et là, quelques tas de tissus éclairés par un projecteur. Premier rituel, nous devons porter attention à nos mains. Les paumes, le dos, les doigts qui s’effleurent, se touchent, se séparent, les mains caressent les bras, le torse, le cou. Les pieds s’enfoncent dans le sol, y puisent une énergie irradie le corps. Nous marchons dans l’espace, avec impatience, curiosité, chacune cherchant sa dynamique. Et si nous marchions avec quelqu’un, les pas s’harmonisent-ils, le rythme est-il différent ?
La voix nous invite à rejoindre un accompagnateur vêtu d’une certaine couleur qui, ce n’est pas un hasard, correspond au code de notre sac-banane. Se forment alors des groupes d’une dizaine de personnes qui calquent leurs mouvements sur ceux du leader. D’abord simple, la gestuelle devient progressivement plus élaborée et gagne en énergie et en rythme.
Déjà, on prend conscience que le geste, qui semble parfois le plus anodin, doit être investi, maîtrisé, pour être beau. Concentration et endurance (relative) sont également de mise pour rester en phase avec le groupe et, par moment, arriver à dissocier le mouvement du rythme imposé par le décor sonore. Les groupes se disloquent et se mélangent. Les accompagnateurs continuent à guider le flot humain qui occupe tout l’espace de la salle.
Un mouvement d’ensemble se crée spontanément et monte crescendo dans l’énergie. L’harmonie naît du désordre, la chorégraphie collective existe déjà et s’enrichit des gestuelles propres, minimalistes comme exubérantes, de chacun. Elle évoluera au travers d’autres contraintes et transformations pour prendre toute son ampleur dans une véritable bacchanale bigarrée et gesticulante aux allures de carnaval appuyées par un air de samba.
On sort de là surpris mais content d’y avoir participer. Étonné aussi de constater à quel point les spectateurs/danseurs jouent le jeu et s’investissent dans cette création chorégraphique participative. La danseuse et chorégraphe Leslie Mannès confirme avoir rencontré peu de résistances depuis la création de Rituels du désordre en septembre 2022. Et pour les accompagnateurs, l’exercice est loin d’être de tout repos. « Il y a la mise en danger et l’ultra-présence, explique la danseuse. Nous sommes là pour, avec et au service des participants. Il faut les emmener et prendre soin d’eux. »