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    « Women Talking », sororité expressive sur fond glacial

    Women Talking
    de Sarah Polley
    Drame
    Avec Rooney Mara, Claire Foy, Jessie Buckley
    Sorti le 15 février 2023

    Rassemblé dans un grenier à foin, un groupe de femmes converse. Elles doivent décider de la destinée de leur sororité qui doit combiner leur croyance religieuse et leur sécurité. Réveillées le matin dans un état comateux sans se souvenir de ce qu’il s’est passé la nuit, mais avec leurs corps meurtris, elles prennent conscience qu’elles se sont faites agresser par des hommes et non par un démon fantasmagorique. Le film est directement inspiré du livre de Miriam Toews, publié en 2019, qui relatent les abus sexuels perpétrés dans la communauté mennonite de Manitoba, en Bolivie, entre 2005 et 2011.

    L’esthétique au ton bleu ne plonge pas le film dans un naturalisme terne et retranscrit les meurtrissures psychiques et physiques, tout comme la froideur se rapproche de la température du sang avec laquelle elles doivent affronter la situation. Le paradoxe architectural entre les panoramiques sur la campagne aux horizons infinis et le cocon claustral permet de cerner la divergence entre l’hétéronomie actuelle et leur feu de vie intérieur. Scène après scène, on cerne la paralysie que provoque la peur, mais également la soif de liberté esthétisée par des plans plus large sur la campagne environnante. Mère, sœur ou amoureuse, chaque femme a son mot à dire, elles se retrouvent soudées dans la douleur, fuir la doctrine dans laquelle elles sont nées ou s’y résigner dans un élan combatif et fataliste ? Telle est la question à laquelle elles sont sommées de répondre.

    La caméra statique du début, en huis-clos, rend les évocations de leurs blessures d’autant plus asphyxiantes, les séquences courtes et écliptiques qui relatent les scènes de réveil sont à chaque fois incisives et violentes nous ramenant à la perversion barbare des faits. La construction des personnalités, marquée par le traumatisme, affirme d’autant plus l’individualité de chacune des femmes dont le portrait est porté par des actrices au sommet : Claire Foy, Rooney Mara et Jessie Beckley. Le refus de l’usage d’armes contre les humains – que dicte leur religion – leur empêche de devenir des meurtrières, mais ces mères protectrices et blessées en sont tentées. Car, c’est comme des bêtes qu’elles se sont faites traiter à leur insu, et bien que les animaux les inspirent – les chevaux aux fables philosophiques de Greta l’illustrent – elles aspirent à une place plus respectée. L’instituteur August Epp – seul homme qui suit les étapes de leur réflexion – les aide dans cette quête en partageant l’instruction dont on les a privées, les rendant illettrées.

    Une résilience solidaire se tisse entre ces femmes bien que beaucoup de points les opposent et les poussent à élever la voix. Mennonites dans l’éducation, contestataires dans l’âme, leur combat est celui de la destruction des chaînes et non de la confrontation avec le clan des hommes. Elles apparaissent tantôt comme une masse obscure fonctionnant de manière primitive, tantôt comme des êtres empathiques auxquels elles sont attachées à tort et à raison. Loin de produire des discours doctoraux et moralistes, les vertus féministes sont à lire dans la singularité de chacune d’elles et dans leur manière individuelle d’assumer leur position sur l’amour, la religion, le groupe. L’espace mi-réel, mi-fictif, résonne dans notre propre espace culturel pour convoquer des problématiques universelles comme la culture du viol, l’intelligence collective et la spiritualité guidant la politique.

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