Texte de Daniel Keene. Mise en scène de François Ebouele. Avec Olivia Harkay et Nabil Missoumi. Du 7 février au 25 février 2023 au Théâtre des Martyrs.
Martin est en prison et sera bientôt exécuté. Sally, sa sœur, vient lui rendre visite. Elle pense qu’il aurait préféré voir son père, qui, lui, ne viendra pas. Quels drames familiaux se cachent derrière leur histoire ? Faut-il en parler à l’aube de son exécution ? Ils n’ont qu’une heure devant eux, une heure pendant laquelle ils vont revivre leurs souvenirs, souvent contradictoires. L’ambiguïté est là, omniprésente. Une très belle interprétation de Une heure avant la mort de mon frère de Daniel Keene, mis en scène par François Ebouele et joué par Olivia Harkay et Nabil Missoumi.
Les retrouvailles
Cela fait des années qu’ils ne sont pas vus. Elle lui en veut, il lui en veut. Il a demandé la visite de son père, c’est elle qui est venue. Ce père qui aurait voulu un fils modèle. Le fils qui n’a pas été à la hauteur de cette pression insoutenable. Pas de mère, morte quand Sally était toute petite. Ce père qui ne s’est pas intéressé à sa fille. Ces enfants qui se sont soutenus jusqu’à s’aimer un peu trop. Elle pense à partir, d’ailleurs, son partenaire, Ted, ne voulait pas qu’elle vienne. Martin envisage de la mettre dehors. Seulement, ils s’aiment.
Besoin d’amour
Tout le monde a besoin d’amour. Le père de Sally et Martin aimait Irène, sa femme. A sa mort, il a perdu pied, il est « parti à la dérive ». Sally et Martin étaient très seuls. Pas étonnant qu’ils se soient rapprochés. Jusqu’à cette nuit-là. Martin avait 19 ans. Ils n’auraient pas dû, Sally en est bouleversée, « j’ai voulu te tuer cette nuit-là. Je t’aime Martin. ». En prison, Martin s’est lié avec Jimmy, un autre condamné. Il ne le reverra plus. La prison, ce n’est pas une vie : « On est tous des bêtes ici ». Les gardiens aussi, enfermés.
La finalité
François Ebouele ne parle pas de la peine de mort. C’est le microcosme familial dont il est question, des relations humaines, de « l’histoire de deux enfants qui ont traversé le chaos familial ». Sally essaye de se reconstruire, elle a sa vie, elle a Ted, elle ne voit plus son père, elle ne va plus dans la maison de son enfance. Martin est un meurtrier, il n’a pas pu surmonter son enfance. Pourtant, son père l’aimait. Depuis le meurtre, il collectionne les articles liés à cet assassinat. Il ne le dit pas, il ne vient pas. Un court instant, Martin joue le rôle du père face à sa fille : « Il (Martin) n’est rien pour moi. Elle me parle d’un fils mais je n’ai pas de fils. ». On devine l’étendue du désastre de cet amour impossible.
En conclusion
Beaucoup d’humanité, des relations à fleur de peau. Deux acteurs convaincants. Une heure vingt très intense. Un beau spectacle qui parle de l’impossibilité de vivre sans amour. Une réalité qu’il faut parfois rappeler. Non. Dont il faut toujours être conscient. Et puis aussi la particularité de cette représentation en temps réel, une heure avant la mort d’un condamné. A voir.