Scénario : Arthur Croque
Dessin : Emilie Gleason
Éditeur : Dargaud
Sortie : 25 novembre 2022
Genre : Roman graphique
Junk Food c’est comme une friandise. Au demeurant, c’est léger et appétissant, mais en vérité c’est l’aller simple pour un monde d’addiction au sucre et de troubles alimentaires. Ne vous laissez pas berner par son graphisme coloré, c’est du packaging. Le cœur du sujet est bien plus angoissant – certains diront même ses artères bouchées par le glucose. Après avoir dévoré Sucre, enquête sur l’autre poudre de Bernard Pellegrin, Emilie Gleason raconte s’être réveillée de son apathie avec la volonté ferme d’arrêter cette drogue banalisée mais aussi de rendre ses effets néfastes publics. Son dessin énergique, elle l’utilise comme un mégaphone dans lequel elle hurle sa colère de voir le monde se faire duper. Il est temps que ça s’arrête. Alors pourquoi ne pas en faire une bande dessinée ?
Le point de vue de ceux qui en souffrent au quotidien
En 2007, un scientifique montre que les effets du sucre sont plus addictifs sur les rats que ceux de la cocaïne. Cette étude sur laquelle s’ouvre la bande dessinée est comme un carrefour de pensées qui pourrait déboucher sur plusieurs directions, parmi elles la voie scientifique ou celle de la dépendance. Et c’est cette deuxième approche que les co-auteurs Emilie Gleason et Arthur Croque décident de creuser, en concevant leur ouvrage comme une retranscription imagée de témoignages récoltés au sein d’associations de food addicts. On a assez entendu les industriels. Et pas la peine de se perdre dans de longs discours médicaux sur le pancréas et l’insuline offerts par une armée d’endocrinologues rébarbatifs. Pour rendre le propos digeste, accessible mais quand même impactant, les auteurs décident de rencontrer ceux qui sont au cœur du problème et qui en souffrent au quotidien.
Et c’est aussi dans cette même logique, qu’ils optent pour un style graphique séduisant et décontracté. Pas la peine d’en faire des caisses, le sujet pèse déjà bien assez lourd sur l’estomac. Le dessin d’Emilie Gleason qui s’était déjà fait remarquer à Angoulème avec Ted drôle de Coco, lui ayant valu le prix révélation, se prêtait d’ailleurs assez bien à cette envie de légèreté. Elle nous organise un défilé de mannequins polymorphes – un peu étranges avec leur gueule de cartoons, leurs yeux exorbités, leurs membres gelatineux et leur langue qui pende – qui se meuvent en désordre dans des pages, sans cases et sans limites. En plus de son propos qui ne se laisse pas corrompre, c’est la singularité de son style et de sa manière d’organiser l’espace pictural et textuel qui confirme qu’elle est bien une autrice à ne pas perdre de vue.