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    « L’ombre des taliban », immersion chronophage dans la poudrière afghane

    Titre : L’ombre des taliban
    Auteur : Ahmed Rashid
    Editions : Autrement
    Date de parution : 4 mai 2022
    Genre : Essai, Histoire

    Ahmed Rashid est un journaliste pakistanais spécialiste de l’Afghanistan. Après Asie centrale, champ de Guerres (2002) et Le Retour des Talibans (2009), il termine en 2022 L’Ombre des taliban, soulignant par cette allégorie la menace planante que l’extrémisme fait régner sur le monde tant que l’Occident ne s’emploie pas à diminuer le malaise éducatif et économique.

    Au-delà de la mécanique de l’engrenage talibanais et de la composition de sa doctrine moyenâgeuse, c’est une traversée sensible, précise et érudite que nous livre l’auteur. La qualité narrative éclipse la dimension mandarinale de l’approche, la prose, proche de celle d’un roman, permet de se plonger dans l’Histoire même si – en tant que novice- l’on ne peut en cerner tous les enjeux. Pire zone de dégât humanitaire en 2001, peu de gens savaient situer ce pays avant la médiatisation d’Al-Qaïda. Cette poudrière et les conflits qui y voient le jour vont pourtant plus loin que la zone géographique qui la délimite. Leur logique religieuse et supranationale tend vers une suprématie illimitée comme c’est le cas dans beaucoup d’organisation fanatique. Comme le précise justement l’auteur, la guerre est la seule profession à laquelle peuvent se prêter les endoctrinés par manque de moyens éducatifs et c’est l’un des fils rouges du texte.

    Le regard rétrospectif du journaliste permet d’analyser objectivement sans instruire à charge, son oreille attentive et son écoute profonde aux éléments qui l’entourent nous invitent à une lecture immersive et imagée, car la description factuelle est agrémentée de visuels détaillés. Son sens de l’analyse et son érudition en la matière enclenchent une véritable quête ou drogue, pétrole et religion forment une logique complexe au fil de ces années d’étude. La place de la femme est bien évidemment abordée – car elle constitue une problématique majeure de la vision sexiste des talibans – notamment en annexe ou une ligne de conduite docte lui est assignée dans un décret de 1996. Un récit difficile d’accès aux néophytes et qui nécessite beaucoup de temps de lecture, car les termes, les noms et les dates impliquent des recherches parallèles. Le parcours est cependant porté une plume claire qui fluidifie la charge documentaire et un développement contextuel et chronophage qui attise la curiosité de n’importe quel lecteur. Les évènements ponctuant le récit, qui le font trembler de peur comme frémir d’impatience-  sonal préféré des journalistes -, sont ainsi rendus partiellement accessibles.

    Les notes de poésie qui ponctuent le texte – si vous tendez les pieds à Herat, vous pouvez être sûr de toucher du pied un poète de Nali Cher Nawaï à titre d’exemple – insufflent la sagesse de l’Asie du Sud à la mise en place pragmatique de cet espace géostratégique. Loin de dessiner les contours de deux camps, l’auteur s’attache à un mode de transmission narratif et scrupuleux qui – en apparence – laisse peu de place à la subjectivité. De Kandahar 1994 à Les talibans Le Retour, c’est en dix-sept chapitres que se découpe l’enquête de Rashid sur le territoire afghan. Un témoignage extrêmement riche qui met en lumière des recoins de l’Histoire sur vingt années que seuls des spécialistes passionnés peuvent retranscrire. Olivier Roy, politologue qui a écrit la postface, qualifie ce mouvement islamique de “produit de notre temps”, puisque leurs agissements se construisent sur l’opposition Orient-Occident et sur la peur de valeurs dites modernes.

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