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    Un nom à retenir : Serena Dykman

    Il y a quelques temps, Le Suricate Magazine vous faisait découvrir une jeune réalisatrice talentueuse établie à New York mais dont les racines belges restaient bien ancrées. Serena Dykman a aujourd’hui fait son petit bonhomme de chemin et raffle des prix aux quatre coins des Etats-unis.

    En escale à Bruxelles, entre New York et la Birmanie, Serena Dykman nous a accordé une interview. Rencontre avec une réalisatrice qui monte.

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    Serena Dykman, vous êtes encore aux études actuellement mais vous êtes déjà réalisatrice de courts-métrages. Quel a été votre parcours pour en arriver là où vous êtes aujourd’hui ?

    J’ai fait du théâtre très tôt. Je voulais devenir comédienne, c’est pourquoi j’ai commencé à faire de la scène à l’académie d’Uccle. Ensuite, je suis partie aux Etats-Unis où j’ai continué à exercer l’art de la comédie mais dans une autre langue.

    Après cela, voulant faire du cinéma, j’ai suivi un cours à Londres qui s’appelait Acting for film. Je n’ai pas beaucoup aimé ce cours qui montrait finalement que l’acteur avait très peu d’importance par rapport à tout ce qui l’entoure.

    Mais je suis retournée dans cette école un an plus tard pour suivre un autre cours dans lequel il fallait créer un court métrage en huit semaines.

    J’ai réalisé ce film et j’ai joué dedans, ce qui a été une très mauvaise idée. Mais cette expérience multidisciplinaire m’a permis de voir toutes les facettes du métier. C’est à ce moment-là que je me suis rendue compte que je savais exactement ce que je faisais en tant que réalisatrice.

    Passée cette belle expérience, je suis retournée à New York pour continuer mon apprentissage. Dès lors, j’ai postulé à NYU (ndlr : New York University) qui est une école assez réputée. J’ai été prise et depuis, je réalise des courts-métrages.

    Cela fait dès lors partie de votre cursus ou bien réalisez-vous d’autres courts en marge de votre scolarité ?

    Un peu des deux. À la NYU, on nous force à réaliser cinq mini courts-métrages silencieux en noir et blanc de quelques minutes seulement. C’est obligatoire. C’est un cours qui existe depuis des décennies et de grands noms sont passés par là comme Martin Scorsese par exemple. Cela nous apprend principalement à raconter une histoire visuellement plutôt que de s’axer sur les dialogues.

    Après cela, on doit faire un court métrage normal. C’est dans le cadre de ce cours que j’ai réalisé The Doorman. Maintenant, j’ai tendance à en faire plus que ce que l’on me demande, c’est pourquoi, j’en suis déjà à mon quatrième court métrage alors que je n’ai pas encore fini mes études.

    Cette université me permet d’utiliser un matériel professionnel, ce qui m’aide à financer en partie mes projets. Il faut savoir que sur le dernier film, près de 80 personnes ont travaillé, ce n’est pas rien.

    Maintenant, ce n’est pas parce que c’est un film étudiant que ça me distancie. J’ai déjà gagné deux prix dans des festivals professionnels. Au final, en sortant de l’école, j’aurai un vrai portfolio à présenter.

    Votre but est de continuer les courts métrages, ou bien souhaitez-vous vous lancer dans la réalisation long métrage après vos études ?

    J’adore le court mais je pense que je finirai par me lancer dans le long métrage à l’avenir.

    Je viens de travailler sur un projet long métrage en tant qu’assistante et je me suis rendue compte que c’est exactement la même chose. Tout est organisé de la même manière sauf que le tournage dure cinq semaines au lieu d’une. Bien évidemment, les budgets sont différents mais au niveau de l’équipe et du processus, c’est idem.

    Pensez-vous rester dans la fiction ?

    Oui. En outre, je suis très intéressée par l’idée de tourner un documentaire mais il faut voir si j’en suis capable.

    Vous arrivez tout doucement à la fin de vos études. Quels sont vos projets post-universitaires ?

    On commence dans deux semaines à écrire un long métrage avec un ami français. Ce dernier m’a commissionnée pour écrire un scénario basé sur son histoire personnelle.

    Hormis ce futur long métrage, nous avons gagné un prix à Detroit il y a peu de temps et nous commençons à en voir les retombées.

    Enfin, je suis en postproduction pour mes deux courts métrages : Bed Bugs & Company, et Welcome, qui est un court métrage dramatique sur l’immigration aux Etats-Unis. Cela dit, il faut trouver des financements pour pouvoir continuer. Les courts métrages n’ont pas de réelle valeur financière.

    Justement, vous parlez des financements. Comment cela se passe-t-il aux Etats-Unis ? Est-ce qu’il existe un financement étatique ou est-on davantage dirigé vers le financement privé ?

    Ce sont des mécènes essentiellement. Aux Etats-Unis, le gouvernement n’aide pas du tout. Vous pouvez avoir des aides si vous mettez des femmes en avant ou si vous insérez des minorités dans votre film. Mais cela reste des sommes assez faibles.

    De plus, votre film doit avoir un but social, ce qui n’est pas du tout le cas dans mes réalisations. Je fais des comédies, je fais rire. Après tout, il faut pouvoir faire rire les gens dans un monde si triste.

    C’est tout l’inverse de la Belgique où des subsides existent.

    Pour la majorité des européens, le cinéma américain, c’est Los Angeles et Hollywood. New York est finalement relégué au second plan. New York vit-elle réellement autour du cinéma ?

    De plus en plus de choses se créent. Pour l’instant, c’est le bon moment d’y être. Evidemment, Hollywood reste Hollywood, mais Michael Bloomberg – l’ancien maire de New York – a fait beaucoup pour développer cela. Il s’est demandé pourquoi on filmait New York à Los Angeles alors que la ville existe bel et bien.

    Depuis cela, beaucoup de séries télévisées se créent à New York et le cinéma indépendant a pris une grande place dans la culture new yorkaise.

    D’un point de vue personnel, je pense que New York est idéale pour réaliser un film. Vous y trouvez tout. Si vous voulez des plages, elles sont à une heure de route. Si vous voulez des montagnes, elles sont à un peu plus d’une heure également. Et puis, les gens que vous pouvez trouver là-bas vous permettent d’élargir facilement votre casting.

    Personne ne va vous regarder de travers si vous chercher un chasseur d’insectes.

    Justement, parlons-en. Vous avez réalisé un court avec pour personnage central un chasseur de punaises de lit. Est-ce que cela existe vraiment et comment cela vous est-il venu à l’idée ?

    Cela existe. C’est un phénomène très ancré dans la culture Nord-américaine. Cela remonte à quelques années où il y a eu une réelle invasion de punaises. Rien que de prononcer aujourd’hui le mot « Bed Bugs », les gens s’encourent. Cette terreur, vue de l’extérieur, est assez drôle et j’ai donc décidé de travailler autour.

    New York se révèle être un personnage de vos réalisations. Pensez-vous qu’il soit possible de faire de Bruxelles un personnage à part entière, une ville photogénique ?

    C’est très drôle que vous me demandiez cela, car je pensais à cela hier. Bruxelles est une ville où je ne vis plus, mais je la connais assez bien pour y avoir grandi.

    Visuellement, c’est une ville très riche car elle montre beaucoup de facettes différentes. Je suis déjà venue en Belgique avec des amis américains qui l’ont trouvée très belle. Prenons l’exemple de In Bruges. Dès que je dis que je suis belge, on me parle de ce film et tout le monde veut voir Bruges, pourquoi pas Bruxelles dès lors ?

    Concernant les vrais personnages de vos réalisations humoristiques, on sent une volonté de choisir des gens hors du commun, drôles par essence. Dès lors, pourriez-vous faire des drames ?

    Je pense que oui. Maintenant, quand j’écris un court métrage, je le fais sans en imaginer le genre. Ensuite, je l’envoie à quelques personnes de confiance pour relecture. Les retours que j’en ai sont souvent : « Ah, qu’est-ce que c’est drôle, j’ai bien rigolé ! ». Pourtant, ce n’est pas fait exprès. Je pense que j’ai une joie de vivre communicative. Personnellement, je n’ai pas envie de sortir du cinéma en pleurant donc j’injecte de l’humour même dans le drame.

    Cela dit, mon dernier film Welcome est un drame sur l’immigration. On verra dès lors ce que cela donne.

    Quel est votre objectif de carrière au final ?

    Ecrire, réaliser et produire. Travailler avec les acteurs me confère une très grande satisfaction. Pour cela, je compte dès lors créer ma propre boite de production.

    Enfin, je veux essayer de créer un lien entre l’Europe et les Etats-Unis d’un point de vue cinématographique. Je ne sais pas encore comment mais je pense qu’il y a des choses à faire.

    Matthieu Matthys
    Matthieu Matthys
    Directeur de publication - responsable cinéma du Suricate Magazine.

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