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    La synagogue : L’album de la plus personnel de Joann Sfar

    Scénario : Joann Sfar
    Dessin : Joann Sfar
    Éditeur : Dargaud
    Sortie : 30 septembre 2022
    Genre : Roman graphique

    Avec son dernier album Sfar signe une œuvre politique, mais à distance, presque désengagée. Les quelques certitudes que semble avoir l’auteur s’effondrent comme des châteaux de cartes dès que le vent souffle. Non, ce ne sont pas ses convictions qui sont bétonnées – la croyance adolescente que la violence est la seule réponse à l’antisémitisme par exemple – mais bien cet humour sarcastique dont, bien plus que ses poings, il se sert comme une arme. Mais malgré toute la légèreté et la dérision avec laquelle il aborde son sujet ; en évoquant parfois le conflit israélo-palestinien, Sfar marche en terrain miné, d’autant qu’il est beaucoup question de sionisme.

    Croyance

    Se confrontant à sa propre enfance – marquée par le mensonge qui entoure la perte douloureuse d’une mère et une figure paternelle omniprésente, surpuissante presque divinisée – le bédéiste en profite pour aborder un sujet qui lui est cher : la religion. Mais, sans surprise, Sfar n’a pas pour vocation de faire l’apologie du judaïsme, ni de réécrire la Torah, mais plutôt de montrer son rapport à cette croyance qui, quand elle ne l’ennuie pas, lui fait peur. Les prêches bruyants qui résonnent dans ses oreilles d’enfant comme des cris le forcent à trouver une solution pour déserter le lieu saint. Alors dès qu’il est assez grand pour s’inscrire dans la milice qui se charge de la sécurité de la synagogue, c’est moins par sens du sacrifice que pour lui trouver une échappatoire. Nul ne peut manquer les sermons, à l’exception de celui qui permet aux fidèles de venir sereinement se recueillir. Et si, en plus, il s’agit de casser du néo-nazi c’est que du bonus. Car dans l’esprit prépubère du jeune Joann, la virilité se mesure encore en coups. Malheureusement, malgré des entraînements hebdomadaires, la crevette ne s’improvise pas poids lourd.

    Et la suite, on la connaît. Joann fait une croix sur son avenir de super-héros pour se consacrer aux petits vampires.

    Autobiographie

    La Synagogue sonne comme une confession délicate, pleine de doutes et avec ce qu’il faut de dérision. Même si on pouvait trouver au chat du rabbin un petit quelque chose de Sfar : sa manière caustique d’envisager le judaïsme et ses racines algériennes, il n’en reste pas moins que La synagogue est le premier ouvrage réellement autobiographique de l’auteur, et donc le plus personnel. Après s’être fait courtiser par la mort dans un covid virulent, l’auteur n’a qu’une envie ; faire revivre son passé. De l’état semi-comateux dans lequel il fut plongé pendant plusieurs semaines, il lui reste le souvenir de la voix de Kessel qui l’a bercé. Ne l’aurait-elle pas même sauvé, cette voix pleine d’un massacre dont Sfar se trouve être l’héritier ? Il est clair qu’aux yeux de l’auteur, être juif aujourd’hui c’est aussi être confronté à une histoire sans avoir le droit d’y réagir. Et c’est probablement de cette frustration que naît sa jeune fascination pour la violence. Mais de la même manière qu’une droite n’a jamais rien résolu, Sfar se rend compte que les plus antisémites ne sont pas forcément ceux qui en ont l’air.

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