Scénario : Eric Darbré
Dessin : Eliot Franques
Éditeur : Marabulles
Sortie : 05 octobre 2022
Genre : Roman graphique
Passé le kitch de la couverture, un peu façon Charlie Hebdo en moins controversé, Les Ouïghours, un peuple qui refuse de mourir s’avère être, en fait, bien moins simpliste que ce qu’il présuppose. On est même agréablement surpris par la finesse du propos et l’angle choisi pour l’aborder. La répression des Ouïghours n’est aujourd’hui plus un secret ; les chaînes de télévision s’en sont emparé et des images des camps de travail ont fuité. Alors, même s’il est avant tout évidemment question de dénoncer pour faire bouger, on pourrait se demander pourquoi en faire un roman graphique et quelle plus-value le médium peut-il apporter à une actualité déjà très présente sous d’autres formes ?
Accesibilité
Comme toujours, la bande dessinée permet de rendre une situation politique complexe, accessible. Et dans ce cas-ci, c’est même une réussite. La fluidité du propos pourrait intéresser tant les plus jeunes que les plus âgés, un public potentiellement averti et les néophytes. Le style graphique qui est simple mais efficace – même si on peut lui regretter un certain manque de cohérence dans le rapport au trait dû à de probables redimensionnements de l’image à grande échelle – contribue également à rendre l’information lisible.
Mais qui plus est, Darbré parvient à nous intéresser, en conférant à cette situation tragique une nouvelle dimension : sa portée médiatique. Lors de son premier séjour dans la province du Xinjiang , le jeune journaliste constate le déséquilibre entre la répression du peuple Ouïghour et le manque d’intérêt que lui porte la communauté internationale. Il remue alors ciel et terre pour faire parvenir le combat de cette population aux oreilles du monde. Mais les rédactions ignorent les revendications de ce jeune utopiste révolté et son obsession pour les « yoghourts ». « Tu devrais te concentrer sur les Tibétains. En voilà un sujet qui parle au public ». Et pendant ce temps, le drame se poursuit, à l’ombre des regards. En voyant la petite tête blonde du narrateur apparaître sur toutes les pages, on a eu peur que l’histoire des Ouïghours serve de prétexte à un autre récit ; les pérégrinations d’un homme blanc choqué par la violence d’un monde qui n’est pas le sien. Mais la présence de Darbré n’est pas sans fondement ; elle dénonce un silence qui a trop duré et permet une réflexion en filigrane sur le rôle des organes de presse dans n’importe quelle situation un peu problématique.