De et mis en scène par Eline Schumacher. Avec Léonard Cornevin, Adrien Drumel, Thierry Hellin, Lucas Meister, Joana B. Polge, Michel Villée. Du 20 septembre au 25 septembre 2022 au Théâtre National.
« Tu sais Papa, moi j’ai peur d’une chose. C’est que quand tu mourras, je serais seule à ton enterrement… parce que tu n’as pas d’amis ». – « Ne t’inquiète pas Eline… tu connais pleins d’acteurs (rires) et ils savent très bien pleurer ». C’est par ces mots que la metteuse en scène, Eline Schumacher nous plonge au cœur du récit de sa pièce La ville des zizis. Quand l’émotion se conjugue à l’humour déjanté de six comédiens talentueux. Ca fait boum, ça fait clac mais ça fait surtout waouw.
Quand nous arrivons au National, nous voyons les comédiens dehors. Ils échangent quelques mots, fument une cigarette, rigolent entre eux. On s’installe dans la salle et ils nous rejoignent. On les reconnait à leurs costards noirs, chemises blanches et cravates noires. Ils rentrent comme des spectateurs, se rendent sur la scène et nous regardent nous installer en pleine lumière. Il n’y a pas cette barrière invisible entre la scène et la salle. Cette particularité sera présente tout au long de la pièce. C’est du théâtre oui. Mais un théâtre qui joue de cette proximité avec son public. C’est à la fois surprenant et très convivial. Comme ci, nous allions également participer à un processus créatif.
Les fausses funérailles
C’est la trame narrative de la pièce. Nous sommes immergés au sein de l’angoisse de l’écrivaine et metteuse en scène, Eline Schumacher. Celle que lorsque le jour de la mort de son père sera venu, elle sera seule à son enterrement. Sur scène, elle lui imagine une bande d’amis. Ils se sont réunis pour enterrer l’un des leurs. A travers les récits décousus de leurs amitiés fictives, c’est un réel hommage qui est rendu. On passe de moments suspendus à l’écoute de ce dialogue entre père-fille par d’énormes éclats visuels et humoristiques assumés de mains de maitre par les six comédiens présents sur scène. Ils sont pétillants, d’une précision démoniaque dans le délire. Leurs interventions sont précises et font mouche à chaque fois.
Un joyeux bordel… organisé
Le décor est sobre mais constamment malmené par les comédiens. Une esthétique travaillée reste cependant très présente durant toute la pièce. Les différents tableaux qui se succèdent ont une identité propre. Le travail sur les lumières accompagne en ce sens le travail des comédiens. Ici, il y a une impression de désordre organisé. Ce qui semble improvisé ne l’est pas. Ce qui semble être des moments de pures rigolades sont étudiés et au service d’une thématique plus universelle : l’amitié masculine.
La ville des zizis a une profondeur symbolique que l’on ne soupçonne pas. Des moments de sincérité qui s’actionnent en tiroir, à l’image de ses nombreux tableaux qui se succèdent. Mais surtout, on rit réellement, on s’amuse de cette bande de potes qui se jalousent, se taquinent, se confient. Et au fond, nous sommes surpris par les différents stades d’émotion par lesquels nous passons. On ne s’imaginait pas être au bord des larmes quand on entend cet amour pudique entre un père et sa fille. On ne s’imaginait pas autant rire en voyant six comédiens incarnés parfaitement leur art. On n s’imaginait rien et on a vécu beaucoup. C’est ainsi que naissent les belles surprises.