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    Œil de Linge, narration éclatée d’un deuil

    Titre : Œil de Linge
    Auteur : Bruno Wajskop
    Éditeur : La Muette
    Date de parution : 16 septembre 2022
    Genre : Roman, livre d’art

    Œil de Linge est l’un des deux ouvrages qui inaugurent la nouvelle collection des éditions La Muette consacrée aux fictions d’artistes. Dirigée par Aurélie Gravas, celle-ci ambitionne de diffuser les textes d’artistes visuels, qu’ils soient plasticiens, cinéastes, ou photographes. Dans le roman Œil de Linge, Bruno Wajskop effleure l’état de deuil, son caractère absurde, anodin et les afflictions qui l’accompagnent.

    Lorsque le deuil surgit brutalement et non sous une forme palliative, les endeuillés doivent le digérer à vif en composant un puzzle à la fois spirituel et matériel. Ce n’est pas à la manière d’un psychologue que l’écrivain relate ce vécu, mais avec les yeux d’un personnage principal à la vie intérieure onirique, dans une prose plus poétique que réaliste. La mort en paraît presque fictive, car la narratrice s’en empare pour mieux pour vivre l’évènement selon son mode de pensée et communiquer avec le défunt : Shraga. Entre distance et moment intimiste, l’écrivain pose des mots sur les vicissitudes qui composent le déchirement et le besoin de se rattacher à des signes mystiques.

    Dans un style fluide, accessible, mais non pas moins précis, Bruno Wajskop retrace les étapes d’un deuil sous une forme très personnelle. Certains aspects triviaux, le corps déchus, la stupidité d’un accident domestique, ou les commentaires déplacés de l’entourage, ne sont pas passés sous silence, ne sacralisant pas la mort pour mieux l’approcher. Cette dimension ne temporise pas pour autant la peine qui habite le personnage principal. Lorsque l’on affronte un moment à la lourde charge émotionnelle, la narration devient brumeuse, éclatée.

    Cette étape de vie aussi formatrice qu’unique, mise sous forme écrite, constitue la parabole de la solitude face à la perte d’un être cher. Le lecteur récolte alors des indices pour englober les dédales d’un cheminement douloureux. Le spiritisme se lit dans les indices et les traces mnésiques qu’il laisse derrière lui et que la narratrice attrape.

    Le respect des morts et la vie qui suit quand même son cours selon “la loi de l’ordre” viennent s’entrechoquer aux bouleversements intérieurs du personnage principal. De cette centaine de pages aux versants aussi prosaïques que sensibles, on retient la qualité du choix des mots et la délicatesse avec lequel le drame est enveloppé.

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