Karmalink: karma pour lui, coma pour nous
On est samedi, en deuxième semaine, et il ne faut pas se mentir, ça commence à sentir la fin de festival. En effet, entre l’arrivée tardive de votre serviteur, un palais 10 presque désert en plein samedi après-midi, un temps à ne pas sortir Olivier de son lit et des films de science-fiction qui remettent en cause l’existence métaphysique de l’être humain, il y a de quoi se poser des questions.
Premier film à voir, Karmalink. Un film dystopique cambodgien qui met en scène un jeune homme pauvre qui, pour échapper à sa condition, va rechercher dans son passé – son karma – les clés de ses rêves pour s’élever et trouver l’illumination… Enfin, du moins, c’est ce qu’on pense avoir compris. En mêlant religion et science-fiction, le cinéaste nous a clairement laissés au bord de la route. L’ambiance de la salle était digne de celle des Magritte, c’est-à-dire qu’on entendait davantage la climatisation que les quolibets de l’assistance. C’est bien simple, personne n’a dit quoi que ce soit et ce, même à la sortie du film où les cinéphiles se sont empressés d’aller au bar commander… un café ! MAIS ON EST AU BIFFF OU MERDE ??? Y’A UN PTIT CAMBODGIEN AVEC UNE CAPSULE D’HEINEKEN SUR LA TETE A L’ECRAN ET PERSONNE NE L’INSULTE ? Ce monde court à sa perte.
Bref, on n’a pas tout compris, mais une chose est sûre : c’est très compliqué de comprendre le cambodgien quand on a les yeux fermés. M.M.
Warning: même Rocco ne s’est jamais paluché autant devant ses films
Sur la route, lorsqu’on met ses warnings, c’est en général un appel de détresse. Et bien, c’est exactement notre état face à la réalisation – elle aussi dystopique – d’Agata Alexander. Pour son premier long métrage, elle nous invite à suivre le parcours de plusieurs personnages, sans interaction directe entre eux, dans un futur proche où la nature humaine est questionnée à cause de l’évolution des technologies. Ici encore, on n’a pas tout compris, mais le synopsis du film trouvé sur Allociné en résume toute l’essence : “L’exploration de la solitude, de la mort et du sens de la vie dans un futur proche sur Terre où plusieurs destins se croisent”. OUAIS MAIS OH ! ON EST GAVE DE TROLL DEPUIS DEUX SEMAINES, TU VAS PAS NOUS DEMANDER DE REFLECHIR NON PLUS !?
Bref, ce film est un guet-apens. Non pas comme la piaule d’Olivier, mais bien à cause de son casting alléchant : Alice Eve, Alex Pettyfer, James D’Arcy et Patrick Schwarzenegger (fils de tu-sais-qui). On se dit que le scénario devait être top pour qu’ils acceptent… Et bien non, c’est le cachet qui devait briller. En effet, c’est poussif, c’est contemplatif et surtout, c’est un gloubi-boulga des savoirs et talents de la cinéaste qui, telle une étudiante trop zélée, a voulu en mettre plein la vue au public, pensant probablement que la complexité du propos susciterait l’interrogation. Au final, on sent qu’Agata a pris du plaisir, mais a oublié d’en donner. M.M.
The devil conspiracy : divine daube
Le laboratoire de biotechnologie le plus puissant au monde est enfin arrivé à cloner les grandes figures historiques avec juste une goutte d’ADN. Depuis, il organise des ventes aux enchères clandestines pour les clones de Michelango, Galilée ou encore Vivaldi à des prix exorbitants. Pour s’enrichir ? Que nenni ! Car, derrière ce laboratoire, se cache un culte satanique qui vient tout juste de voler le Suaire de Turin. Leur but ultime : ressusciter Jésus afin que celui-ci serve d’offrande ultime au Diable, qui pourrait, grâce à ce corps, revenir sur terre. Mais c’est sans compter sur l’archange Michel -celui qui terrasse le dragon en haut de l’hôtel de ville de Bruxelles – qui vient de se réincarner dans le corps d’un prêtre fraîchement assassiné.
En proposant un tel scénario, Nathan Frankowski aurait dû soit obtenir un budget digne d’une adaptation d’un livre de Dan Brown, soit parsemé son film d’innombrables touches d’humour au second degré afin de montrer que tout ceci n’était qu’une vaste blague. Malheureusement, il n’en est rien..
Récit d’un massacre
Techniquement, le film ressemble à l’une de ces dizaines de productions qui atterrissent sur Netflix chaque mois : l’accent est mis sur quelques scènes d’action que l’on placera dans la bande annonce pour attirer le chaland, le reste étant traité à la truelle faute de budget. Ainsi, la moitié du film se déroule dans la pénombre, ce qui permet de faire des économies au niveau de la direction photo et des costumes, l’autre moitié dans un château servant de repère aux forces sataniques. De plus, alors que l’on nous promettait des scènes de combat épiques entre forces du bien et du mal, elles se réduisent à peau de chagrin une fois que Michel obtient son épée magique.
Et là se trouve le second point faible de The devil conspiracy, à savoir les incohérences. Si celles-ci sont source de rire lorsque le réalisateur choisit résolument la voie du second degré et de la parodie, elles sont source d’embarras lorsqu’il se prend au sérieux. On peut citer pêle-mêle, la grossesse en mode accéléré de l’héroïne et autres incohérences temporelles, les soudaines baisses de régime du héros, qui, parvient à briser ses chaînes mais n’arrive pas à enfoncer une porte 5 minutes plus tard et bien d’autres encore.
Enfin, et c’est sans doute le plus grave, c’est le ton très premier degré du film et le jeu des acteurs qui s’en suit, car celui-ci est antinomique avec tout ce qui précède. Soit le film se concentre sur l’évocation du culte sataniste, à la façon d’un film documentaire et le ton quelque peu théâtral adopté par les acteurs peut passer, soit l’humour doit être beaucoup plus présent pour faire passer les nombreuses incohérences.
The devil conspiracy était présenté en première mondiale au BIFFF, on aurait néanmoins apprécié de ne pas servir de cobaye pour cette expérience. D’ailleurs je me sens bizarre, je n’aurais pas dû toucher ce suaire en entrant dans la salle… V.P.
Cube : un film carré
En 1999, Vincenzo Natali débarquait avec un des films de genre les plus originaux jamais sorti. Cube nous renvoyait à l’absurdité de notre existence, mettait en avant l’esprit d’équipe comme jamais ne pourrait le faire un team building à Durbuy et grâce à des mécanismes d’une simplicité déconcertante, nous tenait en haleine durant 90 minutes. Et si d’autres ont essayé par la suite de surfer sur la formule, aucun n’a atteint la perfection sadique du film original.
Un quart de siècle après la sortie du chef d’œuvre de Vincenzo Natali, c’est au réalisateur japonais Yasuhiko Shimizu de nous proposer sa version du célèbre cube, tout aussi carrée mais avec un casting qui reflète bien les préoccupations et les angoisses de la société japonaise actuelle. Ainsi, si la structure narrative reste identique – des pièges jusqu’à la manière de les éviter – et que les tensions entre les différents protagonistes sont toujours bien présentes, les raisons de ces désaccords trouvent leur source dans des problématiques bien actuelles.
On peut dès lors regarder cette nouvelle version de Cube de deux manières. Soit on se laisse porter par le récit et frissonne à chaque nouvelle porte ouverte, soit on se pose des questions sur le pourquoi d’une telle épreuve et réalise que plus qu’une aventure sadique, il s’agit plutôt d’un rite initiatique pour l’adolescent qui se trouve enfermé dans cette étrange prison. Une épreuve qu’il passera en se mesurant à ses propres peurs matérialisées par certains de ses compagnons d’infortune mais également en cherchant courage et réconfort dans la présence d’infortunés qui lui ressemblent.
Bien entendu, il faut toujours tenir compte des sensibilités culturelles différentes et certains pointeront du doigt le comportement des acteurs qui surjouent plusieurs scènes, notamment à la fin et y ajoutent dès lors un surplus de pathos qui ne nous semble pas nécessaire.
Malgré tout, Yasuhiko Shimizu n’a pas à rougir de son remake qui, même s’il ne peut plus compter sur l’effet de surprise – nous a fait passer un agréable moment. V.P.